Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/381

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ici ma sœur. — Il a laissé à M. Sampson le soin de vous l’annoncer, reprit Lucy : c’est le plus fidèle, le plus dévoué des amis. M. Sampson a assisté mon père pendant sa longue maladie, l’a vu mourir, et, au milieu des plus cruelles adversités, n’a pas voulu se séparer de sa fille orpheline. — Que le ciel l’en récompense ! dit Bertram en serrant la main de Dominie ; il mérite la tendresse avec laquelle j’ai conservé dans ma mémoire, depuis mon enfance, son imparfaite image. — Que Dieu vous bénisse tous deux, mes chers enfants ! dit Sampson ; sans vous, je me serais trouvé heureux (si telle eût été la volonté du ciel) de reposer dans le tombeau à côté de votre père. — Mais j’espère, dit Bertram, oui, j’en ai l’espérance, nous verrons de meilleurs jours. Tous nos maux seront réparés, puisque le ciel m’envoie des moyens de faire valoir mes droits, et des amis pour m’y aider. — Oui, répéta Sampson, des amis qui vous sont envoyés, comme vous le dites avec raison, par celui que je vous ai appris dans votre enfance à regarder comme la source de tous les biens. C’est, en premier lieu, le célèbre colonel Mannering des Indes orientales, homme de guerre depuis sa naissance, mais néanmoins homme d’un grand savoir, eu égard au peu de moyens qu’il a eus pour s’instruire ; après lui, le savant avocat M. Pleydell, homme profondément érudit, quoiqu’il s’abaisse à des frivolités indignes de lui ; puis M. André Dinmont, que je ne vous donne pas comme un lettré, mais qui, comme les anciens patriarches, connaît à fond ce qui concerne les bestiaux, les bêtes à laine ; moi, enfin, qui, ayant eu plus d’occasions de m’instruire que ces honorables personnes, en ai profité, s’il convient de parler ainsi de moi, autant que me l’ont permis mes pauvres facultés. Sans doute, mon petit Henri, vous allez sur-le-champ reprendre le cours de vos études. Je commencerai par la base. Oui, je referai votre éducation, depuis la grammaire anglaise jusqu’à la langue hébraïque ou chaldéenne. »

Le lecteur remarquera qu’en cette occasion Sampson se montra beaucoup plus prodigue de paroles qu’il ne l’avait jamais été : c’est qu’en retrouvant son élève, son esprit se reporta à l’époque de leur séparation ; et, au milieu du désordre de ses idées, il ressentait le plus vif désir de recommencer avec le jeune Bertram ses leçons de lecture et d’écriture : ce qui était d’autant plus ridicule, qu’il ne s’attribuait plus sur miss Lucy le même pouvoir. Mais elle avait grandi sous ses yeux, et ses connaissances croissant avec ses années, elle s’était progressivement affranchie de la tutelle du bon