Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/396

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vieille maison… c’est replacer la pierre angulaire… Ne l’en ai-je pas averti ?… Je leur ai dit que j’étais née pour cela, quand même il en irait de la tête de mon père : c’est mon destin… Dans la prison, dans les fers, je n’ai pas oublié mes desseins. J’ai été bannie… je les ai emportés avec moi dans les pays lointains… J’ai été fouettée, j’ai été marquée… ma résolution était trop profonde pour que les verges et le fer rouge pussent pénétrer jusqu’à elle… Et maintenant l’heure est venue. »

« Capitaine, dit Dinmont à demi-voix, je souhaite que ce ne soit pas une sorcière : ses paroles ne me paraissent pas être celles d’une chrétienne, ni ressembler à celles des autres femmes. On dit dans mon pays qu’il y a des gens comme cela. — Ne craignez rien, mon ami. — Craindre ! Je ne la crains pas. Qu’elle soit le diable ou une sorcière, c’est tout un pour Dandie Dinmont. — Silence, brave homme, dit Meg en le regardant par dessus l’épaule d’un air irrité ; croyez-vous que ce soit le temps et le lieu de parler ? — Ma bonne amie, reprit Berlram, je ne doute pas de votre bonne foi et de vos bonnes intentions pour moi ; déjà vous m’en avez donné des preuves : mais en retour vous devriez avoir en moi quelque confiance. Je voudrais savoir où vous nous conduisez. — Ma réponse sera courte, Henri Bertram, dit la sibylle. J’ai juré que ma langue ne parlerait jamais ; mais je n’ai point juré que mon doigt ne montrerait jamais. Avancez donc pour retrouver votre fortune, ou retournez sur vos pas pour la perdre. C’est là tout ce que j’ai à vous dire. — Marchez, répondit Bertram ; je ne vous ferai plus de questions. »

Ils descendirent dans le vallon où Meg avait quitté Bertram après la nuit qu’il passa dans les ruines de Derncleugh. Ils s’arrêtèrent un instant au-dessus du grand rocher au pied duquel il avait vu inhumer le lieutenant Brown. Malgré tous les soins qu’on avait pris, la terre paraissait avoir été fraîchement remuée, et leurs pas s’y imprimèrent. « Ici, dit-elle, repose un homme qui avant peu, peut-être, aura des voisins. »

Elle traversa un petit ruisseau, et arriva au hameau abandonné ; là, s’arrêtant devant une des cabanes qui étaient encore debout, elle dit d’un ton moins brusque, quoique toujours aussi solennel, et avec un regard qui exprimait un intérêt tout particulier : « Voyez-vous ces murs noircis, ce toit à moitié brisé ?… c’est là que pendant quarante ans a brillé la flamme de mon foyer,… c’est là que j’ai mis au monde douze enfants, garçons et filles. Où sont-ils maintenant ?… où sont les feuilles qui étaient sur le vieux chêne à