Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/397

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la Saint-Martin ?… Le vent du nord l’a dépouillé,… et moi aussi je suis dépouillée… Voyez-vous ce saule ?… ce n’est plus qu’un tronc noirci et vermoulu maintenant…. Je me suis assise à son ombre pendant bien des soirées d’été, alors qu’il suspendait ses guirlandes verdoyantes au-dessus du ruisseau ; oui, je m’y suis assise… » Et élevant la voix : « Je vous ai tenu sur mes genoux, Henri Bertram, en vous chantant des ballades sur les vieux barons et leurs guerres sanglantes. Il ne reverdira plus, et Meg Merrilies aura aussi cessé de chanter. Mais vous ne l’oublierez pas, et vous ferez rebâtir sa vieille cabane pour l’amour d’elle. Placez-y quelqu’un dont la conscience soit assez pure pour ne pas craindre les habitants d’un autre monde. Si les morts reviennent parmi les vivants, on me verra quelquefois dans cette vallée, les soirs, après que ces os seront disjoints dans la terre. »

Le mélange de folie et d’enthousiasme qui caractérisait ce discours, son bras droit nu et étendu, l’autre enveloppé dans son manteau d’un rouge foncé, eût fait de Meg en ce moment une étude digne de notre Siddons elle-même. « Maintenant, dit-elle en reprenant cette voix brusque, rude et brève, qui lui était ordinaire, à l’ouvrage, à l’ouvrage ! »

S’avançant alors vers la petite tour de Derncleugh, elle tira une clef de sa poche et en ouvrit la porte. L’intérieur était en meilleur ordre que la dernière fois que Bertram l’avait vue. « J’ai préparé cette chambre, dit-elle ; j’y serai peut-être, ce soir même, étendue sur mon lit de mort. Il y aura peu de monde pour veiller autour du corps de Meg, car beaucoup de nos gens blâmeront ce que j’ai fait et ce que je vais faire. »

Elle leur montra une table sur laquelle étaient quelques viandes froides préparées avec plus de propreté qu’on n’aurait pu s’y attendre d’après sa manière de vivre. « Mangez, leur dit-elle, mangez. Vous en avez besoin pour supporter les fatigues qui vous attendent. »

Bertram, pour lui obéir, mangea une ou deux bouchées. Mais Dinmont, dont l’appétit ne pouvait être diminué ni par l’étonnement, ni par la crainte, ni par le déjeuner du matin, se conduisit aussi vaillamment qu’il avait coutume de faire à table. Elle leur offrit un verre d’eau-de-vie que Bertram but après l’avoir trempé d’eau, et Dinmont tel qu’il lui était présenté.

« Et vous-même, ne prendrez-vous rien ? dit Dinmont à leur mystérieuse hôtesse. — Je n’en aurai pas besoin, répondit-elle ;