Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/76

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gowan : mais en parlant de Frank Kennedy, j’ose dire qu’il sera aujourd’hui ici, car il est allé à Wigton avertir un vaisseau du roi qui est à l’ancre dans la baie, que le lougre[1] de Dirk Hatteraick est de nouveau sur la côte, et il reviendra ici aujourd’hui ; ainsi il faut nous préparer une bouteille de Bordeaux, et nous boirons à la santé du petit Henri. — Je voudrais bien, répondit son épouse, que Frank Kennedy laissât Dirk Hatteraick tranquille. Qu’a-t-il besoin de se montrer plus empressé que les autres ? Ne peut-il chanter sa chanson, boire sa bouteille, et recevoir son salaire comme le collecteur Snail, cet honnête homme qui ne fâche jamais personne ? Et je m’étonne que vous, qui êtes le laird, vous vous mêliez de cela, et que vous en fassiez autant que lui. Avions-nous besoin d’envoyer chercher du thé ou de l’eau-de-vie à Boroughtown[2] lorsque Dirk Hatteraick avait l’habitude de débarquer tranquillement dans la baie ? — Mistriss Bertram, vous ne connaissez rien à cela. Pensez-vous qu’il convienne à un magistrat de prêter sa maison pour en faire un magasin de marchandises de contrebande ? Frank Kennedy vous montrera dans la loi la peine qu’on encourt, et vous savez par vous-même qu’ils avaient coutume auparavant de déposer leur cargaison dans la vieille Place d’Ellangowan. — Quel mal y avait-il, monsieur Bertram, que les murs et les voûtes du vieux château continssent de temps en temps quelques barils d’eau-de-vie ? Je suis sûre que vous n’étiez pas obligé d’en savoir quelque chose ; et quel mal cela ferait-il au roi que les lairds pussent boire leur bouteille, et leurs dames prendre leur thé à un prix raisonnable ? C’est une honte d’avoir mis des taxes si fortes ! Et n’étais-je pas bien mieux avec ces bonnets de Flandre que Dirk Hatteraick m’envoyait d’Anvers ? Il se passera du temps avant que le roi m’envoie quelque chose, non plus que Kennedy. Et puis vous allez aussi vous faire une querelle avec ces Égyptiens ! Je m’attends chaque jour à apprendre que la grange est ruinée. — Je vous dis encore une fois, ma chère, que vous n’entendez rien à toutes ces choses. Et voici Kennedy qui arrive au galop dans l’avenue. — Eh bien ! eh bien ! Ellangowan, lui dit-elle en élevant la voix comme il quittait la chambre, je souhaite que vous les entendiez vous-même, et voilà tout ! »

Après cet entretien conjugal, le laird courut tout joyeux à la rencontre de son fidèle ami, M. Kennedy, qui arrivait tout essoufflé.

  1. Sorte de navire marchand. a. m.
  2. Nom fictif qui signifie ville voisine ou bourg voisin. a. m.