Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/77

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« Pour l’amour de la vie, Ellangowan, lui dit-il, montez au château ! vous verrez ce vieux renard de Dirk Hatteraick, et les limiers de Sa Majesté en pleine chasse après lui. » En parlant ainsi, il jeta la bride de son cheval à un enfant, et monta en courant vers le vieux château, suivi du laird et d’autres personnes de la maison, alarmées par le bruit du canon qu’on entendait alors distinctement de la mer.

En gagnant cette partie des ruines qui dominait un horizon immense, ils aperçurent un lougre, avec toutes ses voiles déployées, en travers de la baie, poursuivi de près par un sloop de guerre qui tirait sur lui avec ses canons de l’avant, tandis que le lougre ripostait avec ses canons de derrière. « Ils ne jouent aux boules que de loin, s’écria Kennedy au comble de la joie, mais ils vont s’approcher. Diable soit de lui ! il jette à la mer sa cargaison ! je vois la bonne Nancy passer par-dessus le bord, baril après baril ! c’est une vilaine chose, une chose damnable de la part de M. Hatteraick, et je le lui ferai savoir en passant. Maintenant, maintenant ils ont le vent sur lui ! c’est cela, c’est cela ! allons ferme sur lui ! allons ! maintenant, mes chiens ! maintenant, mes chiens ! ferme sur le pirate, allons ! »

« Je pense, dit le vieux jardinier à l’une des servantes, que le jaugeur est fers ; » terme par lequel le bas peuple exprime cette agitation d’esprit qu’il regarde comme un présage de mort.

Pendant ce temps la chasse continuait toujours. Le lougre manœuvrait avec une grande habileté et avait recours à toutes les ruses navales pour s’échapper ; il venait d’atteindre et il était près de doubler le promontoire que formait la pointe de terre du côté gauche de la baie, lorsqu’un boulet frappa la vergue dans les élingues, et fit tomber la grande voile sur le pont. La conséquence de cet accident parut inévitable, mais les spectateurs ne purent la voir ; car le vaisseau, qui venait de doubler la pointe, perdit son sillage, et disparut à leur vue derrière le promontoire. Le sloop de guerre mit toutes ses voiles dehors pour le poursuivre ; mais il s’approcha trop du cap et fut obligé de virer de bord, de peur de briser à la côte, et de prendre le large, afin d’avoir assez d’eau pour doubler le promontoire.

« Ils le laisseront échapper, par Dieu ! ils perdront la cargaison ou le lougre, ou tous les deux à la fois ! dit Kennedy ; il faut que je galope jusqu’à la pointe de Warroch (c’était le promontoire dont nous avons parlé), pour leur faire signe où le lougre a dérivé. Adieu