Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/101

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diez qu’elle ait fini… Eh bien, j’en étais donc à la recherche que notre digne aïeul, le Monkbarns d’alors, faisait avec l’aide du vieux Rab Tull. ]Mais ils eurent beau chercher, ils ne purent rien trouver qui leur servît, et ainsi, après qu’ils eurent fouillé dans plus d’un vieux portefeuille de cuir, et avalé beaucoup de poussière, Rab prit sa goutte de punch pour se rincer le gosier : il n’y a jamais eu de grands buveurs dans cette maison, monsieur Lovel ; mais cet homme était si habitué à aller boire avec les baillis et les doyens, quand ils se réunissaient pour les intérêts du pays (et c’était presque tous les soirs), qu’il ne pouvait plus s’endormir sans cela. Bref, il but son punch et alla se coucher : au milieu de la nuit il eut un réveil terrible, si terrible, que depuis, dit-on, il ne fut plus le même homme, et mourut d’une paralysie quatre ans après, jour pour jour. Il crut donc entendre, au milieu de la nuit, le froissement de ses rideaux, monsieur Lovel, et se mit à regarder, pensant, le pauvre homme, que c’était peut-être le chat… Mais il vit, Dieu de bonté ! j’en ai toujours la chair de poule, quoique j’aie raconté cette histoire au moins vingt fois ; il vit, dis-je, à la lueur du clair de lune, un vieux gentilhomme de bonne mine, debout auprès de son lit, habillé singulièrement, avec beaucoup de boutons et d’aiguillettes sur son habit, et cette partie de ses vêtemens qu’il ne convient pas à une dame de nommer[1], était ample et longue et aussi large qu’en portent les marins hollandais. Il avait aussi de la barbe et des moustaches sur la lèvre supérieure, relevées de chaque coin, et d’une longueur terrible. Rab donna encore bien d’autres détails, mais ils sont oubliés maintenant, car c’est une vieille histoire… Or, Rab était un honnête homme, quoique procureur de province, et il fut moins effrayé qu’on n’aurait pu s’y attendre ; il demanda au spectre ce qu’il pouvait lui vouloir, mais celui-ci répondit dans une langue inconnue ; ensuite Rab dit qu’il essaya de lui parler erse, car il était venu dès sa jeunesse du pays de Glenlivat ; mais il ne se fit pas mieux comprendre ; alors il se souvint de deux ou trois mots latins qu’il avait appris dans les actes de la ville, et il n’eut pas plus tôt essayé de les dire à l’esprit, que tout-à-coup il l’inonda d’un tel déluge de latin que le pauvre Rab Tull, qui n’était

  1. Il s’agit ici du mot culotte ; et en effet le mot breeches, dont il est la traduction, effaroucherait singulièrement la pudeur d’une anglais si on le prononçait devant elle, quoique cette même pudeur, en d’autres occasions, telles que dans les débats judiciaires sur les accusations d’adultère, entende et lise sans s’indigner les choses souvent les moins gazées. a. m.