Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/134

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— C’est assez, miss Wardour ; je ne vous entends que trop.

— M. Lovel, vous êtes blessé ; et croyez que je souffre de la peine que je vous cause. Mais puis-je donc pour moi, pour vous-même, en agir autrement ? Sans le consentement de mon père je n’encouragerai jamais les espérances de personne, et vous comprenez vous-même à quel point il est impossible qu’il approuve jamais les sentimens dont vous m’honorez, et même…

— Non, miss Wardour, dit Lovel en l’interrompant avec un ton suppliant et passionné, n’en dites pas davantage ; ne vous suffit-il pas d’anéantir toute espérance dans notre position actuelle ? ne portez pas plus loin la cruauté ; à quoi bon me dire quelle serait votre conduite dans le cas où les obstacles seraient levés du côté de sir Arthur ?

— C’est en effet inutile, dit miss Wardour, puisqu’il est impossible qu’ils le soient jamais : je dois seulement, comme votre amie, et comme une personne qui vous doit la vie et celle de son père, vous supplier de vaincre ce malheureux attachement, de quitter un pays qui n’offre pas d’espace assez vaste à vos talens, et de rentrer dans la carrière honorable que vous semblez avoir abandonnée,

— Eh bien, miss Wardour, vos vœux seront exaucés. Ayez patience seulement encore un mois, et si pendant ce court espace je ne puis parvenir à vous faire approuver les motifs de ma prolongation de séjour à Fairport, je dirai adieu à ce pays ainsi qu’à toutes mes espérances de bonheur.

— Non, M. Lovel, il n’en sera pas ainsi. Un grand nombre d’années d’un bonheur mérité, et fondé sur des bases plus raisonnables que celles sur lesquelles reposent maintenant vos vœux, vous sont réservées, je l’espère. Mais cette conversation n’a déjà que trop duré. Je ne puis interdire l’entrée de la maison de mon père à celui qui sauva sa vie et la mienne. Cependant, plus monsieur Lovel pourra se résigner promptement à la perte d’espérances si légèrement formées, plus il gagnera dans mon estime. En attendant, et dans son intérêt comme dans le mien, il ne m’en voudra pas de lui interdire dorénavant un sujet de conversation aussi pénible. »

Un domestique vint alors annoncer que sir Arthur désirait parler à M. Oldbuck dans son appartement.

« Permettez-moi de vous y conduire, » dit miss Wardour qui semblait craindre la continuation de son tête-à-tête avec Lovel. Elle accompagna donc l’Antiquaire à l’appartement de son père.

Sir Arthur était étendu sur un canapé, ses jambes enveloppées