Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/188

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comment acquerrait-il du pouvoir sur les mortels qui se bornent à accepter ses dons sans s’engager à se soumettre à ses volontés ? Quand vous portez votre charbon au fourneau, l’argent qui vous est payé par le blasphémateur Blaise, ce vieux réprouvé d’intendant, n’est-il pas aussi bon que si vous le receviez des mains du pasteur lui-même ? Ce ne sont donc pas les présens du démon qui peuvent devenir dangereux, mais l’usage que vous en faites. Et s’il venait m’apparaître en ce moment et m’indiquer une mine d’or ou d’argent, je commencerais à fouiller avant même qu’il eût tourné le dos, et je me regarderais toujours comme sous la protection d’un être bien plus grand que lui, tant que je ferais un bon emploi des richesses qu’il me ferait découvrir.

À ceci le frère aîné répondait « qu’un bien mal acquis était presque toujours mal dépensé ; » tandis que le présomptueux Martin ne craignait pas d’affirmer « que tous les trésors de Hartz n’apporteraient pas le plus petit changement dans ses habitudes, ses mœurs et son caractère. »

Le frère de Martin le pria de ne pas parler si hardiment de ce sujet, et réussit quoique avec peine à l’en détourner en appelant son attention sur la prochaine chasse au sanglier. Cette conversation les mena jusqu’auprès de leur cabane, qui n’était qu’une misérable hutte située sur le bord d’une vallée étroite, pittoresque et sauvage, dans les gorges du Brockenberg. Ils soulagèrent leur sœur de l’opération pénible de carboniser le bois, qui demande une attention constante, et se partagèrent entre eux le soin de la surveiller pendant la nuit, les deux autres devant dormir pendant qu’un d’eux resterait debout, suivant leur coutume ordinaire.

Max Waldeck, l’aîné, veilla pendant les deux premières heures, et fut fort alarmé en remarquant, sur le bord opposé de la vallée, un grand feu entouré de plusieurs figures qui paraissaient tourner autour avec des gestes effrayans. Max eut d’abord envie d’appeler ses deux frères ; mais songeant au caractère entreprenant du plus jeune, et regardant comme impossible d’appeler l’autre sans aussi réveiller Martin ; imaginant aussi que ce qu’il voyait pouvait être une illusion du démon, et la conséquence des expressions hardies employées par Martin dans la soirée précédente, il jugea qu’il valait mieux se mettre sous la sauve-garde des prières que la peur lui permit de murmurer, et continua de regarder avec une terreur curieuse cette étrange et effrayante apparition. Après avoir brillé pendant quelque temps, les feux s’éteignirent par degrés et firent