Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/190

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dans des tourbillons de flammes et de fumée, étaient humides de la rosée de la nuit.

George retourna dans sa cabane en frissonnant de crainte, et, de même que son frère aîné, résolut de ne rien dire de ce qu’il avait vu, de peur d’exciter dans Martin cette curiosité téméraire qu’il regardait comme frisant l’impiété.

C’était ensuite le tour de Martin de veiller. Le coq de la famille avait déjà donné le premier signal, et la nuit était presque écoulée. En examinant l’état du fourneau où l’on déposait le bois pour être carbonisé, il fut surpris de voir que le feu n’y avait pas été bien entretenu ; car dans son excursion, et l’agitation qui en avait été la suite, George avait oublié le principal objet qui le faisait veiller. La première pensée de Martin fut d’appeler ses deux frères endormis ; mais remarquant que leur sommeil était plus fort et plus profond que de coutume, il respecta leur repos, et se mit à charger le fourneau sans avoir recours à leur aide. Le bois qu’il y entassa était apparemment humide, car le feu parut plutôt s’éteindre que se rallumer. Martin alla ensuite chercher quelques fagots à une pile de bois qui avait été soigneusement coupé et séché pour cet usage ; mais à son retour il retrouva le feu complètement éteint. C’était là un accident sérieux, et qui les menaçait de la perte de plus d’un jour de travail. Inquiet et tourmenté, le pauvre garçon voulut battre le briquet pour rallumer le feu, mais l’amadou était mouillé, et tous ses efforts furent sans succès. Il allait donc se décider à appeler ses frères, car les circonstances devenaient pressantes, quand, à travers les croisées et les crevasses de leur chétive chaumière, il aperçut des jets de lumière, et fut frappé de la même apparition qui avait successivement alarmé ses deux frères pendant leur garde nocturne. Sa première idée fut que les Muhlerhaussers[1], avec lesquels ils étaient en rivalité de métier et avaient déjà eu plusieurs querelles, pouvaient être venus de nuit empiéter sur leurs limites, afin de piller leur bois. Il résolut donc d’éveiller ses frères, et de se venger de leur audace. Mais un moment de réflexion, et l’examen qu’il fit des gestes et des manières de ceux qui lui paraissaient ainsi travailler au milieu du feu, eurent bientôt dissipé cette pensée, et quoique assez incrédule sur de tels sujets, il conclut que ce qu’il voyait était un phénomène hors des lois de la nature. « Que ce soient des hommes ou des démons, dit l’intrépide bûcheron, que je vois se livrer là-bas à ces cérémonies et à ces gestes bizarres, je

  1. Muhlerhaussers, mot formé de muhle, moulin, et hauss, maison. a. m.