Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/267

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son étroite enceinte, répétait les différens gémissemens des arbres agités par la tempête, et qui, s’affaiblissant avec le tourbillon, dégénéraient en un murmure sourd et interrompu, semblable aux soupirs d’un criminel dont les forces viennent de s’épuiser dans les angoisses de la torture. Ces sons mélancoliques étaient de nature à servir d’aliment à la superstition, en excitant en elle les terreurs qu’elle redoute, et auxquelles pourtant elle se plaît. Mais le vieil Ochiltree n’était pas sujet à des sensations de ce genre, et son esprit lui retraçait en ce moment divers souvenirs de sa jeunesse.

« J’ai été de garde aux avant-postes tant en Allemagne qu’en Amérique, se disait-il, par des nuits pires que celle-ci, et quand je savais qu’il y avait peut-être dans le fourré devant moi une douzaine de leurs tirailleurs. Mais j’ai toujours été solide au poste ; personne n’a jamais pu dire qu’il eût attrapé Édie endormi. »

En se parlant ainsi à lui-même, il mit presque machinalement son fidèle bâton ferré sur son épaule, prit le maintien d’une sentinelle, et ayant entendu les pas d’un homme qui s’avançait vers l’arbre, il s’écria d’un ton plus en rapport avec ses souvenirs militaires qu’avec sa situation actuelle :

« Arrêtez ! qui va là ?

— Comment tiable, mon pon Édie, d’où fient que fous parlez aussi haut qu’un baurenhanter[1], ou ce que fous appelez un factionnaire ?

— C’est que je croyais l’être dans ce moment, répondit le mendiant. Voilà une nuit terrible : avez-vous apporté la lanterne, et un sac pour mettre l’argent ?

— Oui, oui, mon pon ami, dit l’Allemand, la foilà ; et buis foilà aussi une paire te pesaces, dont une sera pour fous et l’autre pour moi ; je les mettrai sur mon chefal bour fous ébargner la beine de borter la fôtre à cause de fotre âge avancé.

— Vous avez donc là un cheval ? demanda Édie Ochiltree.

— Oh oui, mon pon ami ! répondit l’adepte ; il est là attaché à la haie.

— En ce cas, j’ai un mot à vous dire avant de conclure notre marché ; c’est que ma part d’argent n’ira pas sur le dos de votre bête.

— Et te quoi auriez-fous peur ? dit l’étranger.

— Seulement de perdre de vue le cheval, l’homme et l’argent, répondit le vieux pauvre.

  1. Mot allemand qui signifie factionnaire, comme le dit ensuite le texte. a. m.