Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/287

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la marée ; mais il avait promis qu’aussitôt son retour, le portefeuille, avec son contenu soigneusement enveloppé dans un morceau de toile à voile, serait remis par lui à Ringan Aikwood pour être rendu à Dousterswivel, son propriétaire.

La ménagère avait préparé le repas du matin pour la famille, et chargeant son panier de poisson sur ses épaules, elle marcha d’un pas ferme vers Fairport. Les enfans étaient à jouer auprès de la porte, car il faisait beau temps et soleil. La vieille grand’mère, assise de nouveau sur sa chaise d’osier auprès du feu, avait repris son éternel fuseau, entièrement impassible aux cris et aux pleurs des enfans, ainsi qu’aux criailleries de la mère, qui avaient précédé la dispersion de la famille. Édie avait arrangé ses différens sacs, et se préparait à commencer de nouveau ses tournées, suivant l’usage de sa vie vagabonde ; mais avant de partir il s’avança, comme il pensa que la civilité le voulait, pour prendre congé de la vieille matrone.

« Je vous souhaite le bonjour, commère, et plus d’un encore avec celui-ci ; je reviendrai vers la fin de la moisson, et j’espère vous trouver alors saine et bien portante.

— Priez pour que vous me trouviez dans la paix de la tombe, dit la vieille femme d’une voix creuse et sépulcrale, mais sans que ses traits indiquassent la moindre agitation.

— Vous êtes vieille, commère, et je suis vieux aussi, mais il nous faut attendre la volonté du Tout-Puissant ; il ne nous oubliera pas à notre tour.

— Il n’oubliera pas nos actions non plus, dit la vieille femme ; l’esprit répondra des erreurs de la chair.

— Ce n’est que trop vrai ; et je puis m’appliquer cette parole plus que tout autre, moi qui mène une vie errante et désordonnée. Mais vous, vous avez été toujours une honnête femme ; nous sommes tous pécheurs, mais sûrement vous ne l’avez pas été de manière à désespérer.

— Le poids eût pu être plus lourd ; mais tel qu’il est, oui, tel qu’il est encore, il n’en faudrait pas tant pour submerger le plus superbe brick qui soit jamais sorti de la rade de Fairport. Quelqu’un ne m’a-t-il pas dit, du moins l’impression en est restée dans mon esprit, mais les vieilles gens ont souvent la tête faible ; quelqu’un ne m’a-t-il pas dit que Joscelinde, comtesse de Glenallan, avait quitté ce monde ?

— Qui l’a dit a parlé vrai, répondit le vieil Édie ; elle a été en-