Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/305

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plus délicat sur un gîte pour la nuit que je ne l’ai jamais été de ma vie. Je crois que la vue de toutes ces belles choses là-bas, en reconnaissant qu’on peut être plus heureux sans elles, m’a rendu orgueilleux de mon propre sort. Mais Dieu veuille qu’il ne m’en arrive pas mal, car l’orgueil annonce toujours la ruine de l’homme. En tout cas, la plus mauvaise grange est encore un gîte plus agréable que le château de Glenallan avec toutes ses tentures de velours noir, ses tableaux et toutes les richesses qui lui appartiennent. Ainsi donc il faut en finir, et décidément j’irai demander à coucher à Ailie Sim. »

Au moment où le vieillard descendait la colline qui dominait le petit hameau vers lequel il dirigeait sa course, le coucher du soleil venait de mettre un terme aux travaux des habitans, et les jeunes gens, profitant de cette belle soirée, étaient occupés à jouer aux boules sur un terrain de la commune, tandis que les femmes et les anciens les regardaient. Les cris, les éclats de rire, les exclamations des perdans et des gagnans, formaient un chœur bruyant qui parvint jusqu’au sentier par lequel Ochiltree descendait le coteau, et rappela à sa mémoire ces jours où lui-même avait été compétiteur ardent, et souvent victorieux, dans tous les exercices qui demandent de la force et de l’agilité. Il est rare que des souvenirs de ce genre n’arrachent pas un soupir, même à celui qui, sur le soir de sa vie, contemple un horizon plus brillant que celui de notre vieux pauvre. À cette époque, réfléchissait-il naturellement, je n’aurais pas fait plus d’attention au pauvre vieux pèlerin descendant la colline de Kinblythemont que ces jeunes garçons si éveillés n’en font au vieil Édie.

Il fut pourtant réjoui en voyant que son arrivée était une circonstance plus importante que sa modestie ne l’avait prévu. Une discussion sur un coup s’était élevée parmi les deux troupes des joueurs ; et comme le jaugeur favorisait un parti, et que le maître d’école soutenait l’autre, on pouvait dire que la querelle avait été embrassée par les hautes puissances. Le meunier et le forgeron s’étaient aussi rangés de différens côtés, et en réfléchissant à la vivacité de deux disputeurs semblables, on pouvait craindre que la discussion ne se terminât pas à l’amiable. Mais le premier qui aperçut le mendiant, sécha : « Ah ! voilà le vieil Édie qui connaît les règles de tous les jeux du pays, mieux qu’aucun homme qui ait jamais jeté la boule ou le bâton ; ne nous querellons pas, mes enfans, mais rapportons-nous-en au jugement du vieil Édie. »