Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/38

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chaque son guttural le véritable accent anglo-saxon, maintenant oublié dans les parties méridionales de ce royaume.

Sa collection était en effet curieuse, et aurait pu exciter l’envie d’un amateur. Cependant elle n’avait pas été formée aux prix de nos temps modernes, prix dont l’énormité aurait épouvanté le bibliomane le plus ancien et le plus déterminé, et qui, suivant mon opinion, ne fut autre que le célèbre Don Quichotte de la Manche, puisque, entre autres légers signes d’un esprit malade, son très véridique historien, Cid Hamet Benengeli, rapporte qu’il avait échangé des prés et des fermes contre des in-folio et des in-quarto sur la chevalerie. Dans ce haut fait notre bon chevalier errant a été imité par plus d’un lord, d’un chevalier ou d’un écuyer de nos jours, quoique du reste aucun ne fût capable de prendre une auberge pour un château, ou de mettre sa lance en arrêt contre un moulin à vent. M. Oldbuck ne marchait pas sur les traces de ces faiseurs de collections à grands frais ; mais, prenant plaisir au contraire aux recherches pénibles que lui coûtait sa bibliothèque, il ménageait son argent aux dépens de son temps et de ses travaux. Ce n’était pas un protecteur de cette race ingénieuse d’entremetteurs péripatéticiens qui, se rendant agens entre le maître obscur d’une échoppe et l’avide amateur, profitent également de l’ignorance du premier, et des connaissances et du goût que l’autre a payés si cher. Quand on parlait devant lui de cette sorte de gens, il manquait rarement de faire observer à quel point il était nécessaire de saisir au passage l’objet de sa curiosité, et de raconter son anecdote favorite de David le priseur, au sujet du Jeu d’échecs de Caxton[1]. Davy Wilson, communément appelé Davy le priseur à cause de son penchant prononcé pour le tabac, était un vrai dieu en fait de découvertes et pour explorer les allées obscures, les boutiques souterraines et les échoppes, à la recherche des ouvrages rares. Il flairait sa proie avec la finesse d’un limier, et la frappait avec la dextérité d’un boule-dogue[2]. Il vous aurait déterré une vieille ballade en lettres gothiques au milieu des feuilles d’un dossier, et une édition princeps cachée sous le masque d’un Corde-

  1. Fameux typographe, un des premiers qui aient introduit l’imprimerie en Angleterre. a. m.
  2. Le limier anglais (slow-hound) est une sorte de basset, et le boule-dogue (bull-dog) est un petit chien ayant une grosse tête avec la mâchoire inférieure très proéminente. Un coup de dent du boule-dogue est aussi ferme, aussi serré qu’une pince, et il est très difficile de faire lâcher prise à cet animal. a. m.