Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

buffet, et eut à endurer quelques réprimandes de M. Oldbuck, et quelques reproches moins directs, mais encore plus aigres de la part de sa sœur.

Le dîner était tel qu’on devait s’attendre à le trouver chez un antiquaire déclaré : on y trouvait plusieurs échantillons de mets écossais très savoureux, quoique bannis maintenant des tables où l’on se pique d’élégance. On y remarquait l’oie de Solan[1], au goût exquis, et dont l’odeur est si forte qu’on ne l’apprête jamais dans l’intérieur des maisons. Malheureusement elle était saignante ; ce qui fit qu’Oldbuck menaça presque de jeter l’oiseau aquatique à la tête de l’imprévoyante femme de charge qui, servant de prêtresse dans cette occasion, avait présenté l’offrande odoriférante. Mais, par bonheur, elle avait été plus heureuse dans le hotchpotch[2] qui fut à l’unanimité jugé incomparable. « Je pensais bien que nous réussirions là dedans, dit le vieil Oldbuck d’un air triomphant, car Davie Dibble, le jardinier, vieux garçon comme moi, a soin que ces diablesses de femmes ne déshonorent pas nos légumes. Voici du poisson à la sauce, et des têtes de merluches. Je conviens que nos femmes excellent dans ce plat ; il leur procure le plaisir de gronder pendant une demi-heure, au moins deux fois la semaine, la vieille Maggy Mucklebackit[3]. Je vous recommande, M. Lovel, le pâté de volaille fait d’après une recette que m’a laissée feu ma grand’mère d’heureuse mémoire ; et si vous voulez essayer un verre de ce vin, vous le trouverez digne de celui qui professe la maxime du roi Alphonse de Castille : Brûlez de vieux bois, lisez de vieux livres, buvez de vieux vin, et causez avec de vieux amis, sir Arthur ; et de jeunes aussi, monsieur Lovel.

— Et quelles nouvelles de votre voyage, Monkbarns ? dit sir Arthur. Comment va le monde dans la vieille enfumée[4] ?

— Le monde est fou, sir Arthur, fou sans ressources, et résisterait à tous les remèdes ordinaires, tels que bains de mer et doses d’ellébore[5]. La pire de toutes les folies, la folie militaire, s’est emparée des hommes, des femmes et des enfans.

  1. Ce palmipède abonde sur les rives de la Forth, en Écosse, particulièrement vers son embouchure, et il devient une sorte de manne pour la classe indigente. a. m.
  2. Espèce de soupe écossaise, faite de côtelettes de mouton et d’une grande quantité de petits pois. a. m.
  3. Maggy diminutif de Marguerite. — Mucklebackit, grand seau ou cuve où l’on blanchit le linge. a. m.
  4. C’est la traduction d’Auld Reekie, nom écossais d’Édimbourg. a. m.
  5. Dipping in the sea, shaving the crown, drinking hellebore, ce qui veut dire : on aurait beau le plonger dans la mer, lui raser la tête, ou lui donner de l’ellébore, aucun remède ne pourrait le guérir. a. m.