Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/27

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homme habillé de buffle, cet homme de Bélial ?… Mais non ! je le vaincrai, je briserai les liens dont il m’enchaîne. »

Holdenough, en parlant ainsi, se débattait pour monter les marches, saisissant la rampe de toutes ses forces. Son ennemi le retenait toujours par le pan de son manteau, qui serrait si étroitement le cou du prédicateur, qu’il prononça ces derniers mots d’une voix à demi étouffée. Mais M. Holdenough détacha si adroitement le cordon qui fixait son manteau autour de son cou, que le vêtement céda sur-le-champ, et le soldat tomba à la renverse au bas de l’escalier. Le ministre, délivré, s’élança dans sa chaire et entonna un cantique de triomphe pour célébrer la victoire qu’il venait de remporter sur son adversaire en l’étendant à terre. Mais un grand tumulte qui s’éleva dans l’église troubla la joie de sa victoire, et quoique lui et son clerc continuassent à chanter l’hymne d’allégresse, leurs voix ne se faisaient entendre que par intervalle, comme le sifflement du courlieu pendant les mugissements de l’orage.

Voici la cause de ce tumulte : le maire était un presbytérien zélé, et dès le commencement il avait vu l’audacieuse tentative du soldat avec la plus grande indignation, quoiqu’il hésitât à prendre parti contre lui tant qu’il le vit sur ses jambes, et en état d’opposer de la résistance. Mais il n’aperçut pas plutôt le champion de l’indépendance renversé sur le dos, le manteau de guerre du prédicateur flottant dans sa main, que, magistrat intrépide, il s’élança en criant que tant d’insolence ne pouvait être tolérée, et il ordonna à ses constables de saisir le soldat, ajoutant dans un sublime transport d’indignation : Je ferai arrêter de pareilles gens jusqu’au dernier… Oui je le ferai arrêter, fût-ce Noll Cromwell lui-même[1]. »

L’indignation du digne maître[2] avait étouffé sa raison quand il fit entendre cette menace inopportune ; car trois soldats qui jusque là étaient restés immobiles firent un pas en avant et se trouvèrent entre les officiers municipaux et le soldat qui se relevait. Faisant alors le mouvement pour poser les armes, conformément à la manœuvre alors en usage, les crosses de leurs mousquets tombèrent brusquement sur les dalles de l’église, à un pouce des pieds goutteux du maire. L’intrépide magistrat, ainsi interrompu dans ses efforts pour rétablir l’ordre, jeta sur ses partisans un regard qui indiquait suffisamment que la force n’était pas de son côté. Tous

  1. Noll est une abréviation familière d’Olivier. a. m.
  2. The worthy mayor’s, dit en effet le texte. a. m.