Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/37

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draient-ils maintenant que je n’ai plus ni pain ni bière à leur donner ! Mais nous avons encore avec nous quelques gardes forestiers de la vieille race de Woodstock… aussi vieux que moi pour la plupart… Eh bien ! le vieux bois plie rarement à l’humidité… je me défendrai dans ce vieux château, et ce ne sera pas la première fois que je l’aurai fait, même contre une force dix fois plus imposante que celle dont nous entendons parler à présent. — Hélas ! mon cher père… » dit la Jeune dame, dont le ton semblait dire que ces projets de défense étaient tout-à-fait inutiles.

« Et pourquoi cet hélas ? » dit le vieillard avec dépit ; « est-ce parce que j’ai fermé ma porte à une quarantaine d’hypocrites et de buveurs de sang ? — Mais leurs maîtres peuvent facilement envoyer contre vous un régiment ou une armée, s’ils le veulent, répondit la jeune fille ; et à quoi servirait à présent votre défense, si ce n’est à les irriter davantage et les porter à vous faire plus de mal encore ? — Soit, Alice ; j’ai vécu : ma carrière a été plus longue que je ne le désirais et pouvais même l’espérer. J’ai survécu au plus cher et au plus digne des princes : pourquoi suis-je resté sur terre après le 30 janvier ? Le parricide de ce jour fatal était un ordre pour tous les loyaux serviteurs de Charles Stuart de venger sa mort ou de mourir eux-mêmes aussitôt que l’occasion se présenterait. — Ne parlez pas ainsi, mon cher père ; il ne convient pas à votre dignité et à votre mérite de renoncer à une vie qui peut encore être utile à votre roi et à votre pays. L’Angleterre n’aura pas long-temps à souffrir des tyrans que ces mauvais jours lui ont imposés. En attendant… Ces quelques mots ne parvinrent pas jusqu’à l’oreille du soldat. « Et surtout point de cette impatience qui ne fait qu’aggraver le mal. — L’aggraver ! » s’écria l’impatient vieillard ; « que peut-il arriver de pire ? Le mal n’a-t-il pas déjà atteint son plus haut période ? Ces coquins ne vont-ils pas nous chasser de notre seul abri… dévaster ce qui est encore intact des propriétés royales confiées à ma garde… changer le palais de nos princes en une caverne de brigands, et puis s’essuyer la bouche et rendre grâces à Dieu, comme s’ils avaient fait une bonne action ? — Tout espoir n’est pas encore perdu, lui répondit sa fille ; je crois que le roi est à l’abri de leurs poursuites… Et tout nous porte à croire que mon frère Albert est en sûreté. — Oui, Albert ! toujours Albert, » répondit le vieillard d’un ton de reproche. « Sans toutes tes prières, je serais allé moi-même à Worcester ; mais il a fallu que je restasse ici comme un vieux chien qu’on laisse en arrière au départ de la