Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/59

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faire au lecteur. L’indépendant parut écouter d’abord avec quelque intérêt ; mais ensuite, l’interrompant tout-à-coup, il dit d’un ton solennel : « Péris, Babylone, comme ton maître Nabuchodonosor ! Il est errant, lui ; et tu deviendras toi, une solitude… oui, un désert… oui, une plaine immense de sel où il n’y aura que soif et famine. — C’est ce que nous pourrons bien éprouver tous deux cette nuit, répliqua Jocelin, à moins que le garde-manger du bon chevalier ne soit mieux approvisionné que de coutume. — Il est bon de songer à la nourriture corporelle, dit l’indépendant, mais chaque chose a son temps ; accomplissons d’abord nos devoirs. Où conduisent ces portes ? — Celle qui est à droite, répondit le garde, conduit à ce que nous appelons les grands appartements : ils n’ont pas été habités depuis seize cent trente-neuf, que Sa bienheureuse Majesté… — Comment, coquin ! » s’écria l’indépendant d’une voix de Stentor, « tu oses comparer Charles Stuart à un saint, à un bienheureux ! N’oublie pas la proclamation qui a été faite à ce sujet. — C’est sans aucune mauvaise intention, » répliqua le garde en comprimant le vif désir qu’il avait de lui faire une plus dure réponse. « Je connais mieux les arbalètes et les daims que les titres et les affaires de l’État ; mais pourtant, quoiqu’il soit arrivé depuis, le pauvre prince emporta assez de bénédictions en quittant Woodstock, car il laissa plein son gant de pièces d’or pour les pauvres de l’endroit… — Paix, l’ami ! Je croyais que tu n’étais pas du nombre de ces stupides et aveugles papistes qui pensent que répandre les aumônes c’est acheter et faire oublier les injustices et les oppressions dont la main qui fait l’aumône s’est rendue coupable. Tu disais donc que c’étaient ici les appartements de Charles Stuart ? — Et de son père Jacques avant lui, et d’Élisabeth précédemment, et du sévère roi Henri, qui fit construire cette aile avant eux tous. — Et c’est ici, je suppose, que logeaient le chevalier et sa fille ? — Non ; sir Henri Lee a beaucoup trop de respect pour… pour des choses qu’on méprise aujourd’hui… Bien plus, les grands appartements ne sont ni aérés ni remis en ordre depuis bien des années. Ce passage à gauche conduit à l’appartement du chevalier conservateur de Woodstock. — Et où mène cet escalier qui monte par là et descend par ici ? — En haut, répondit le garde, il mène à plusieurs appartements destinés à divers usages : ce sont des chambres à coucher principalement ; en bas, aux cuisines, aux offices et aux caves du château, qu’à cette heure vous ne pourriez visiter sans lumière. — Nous nous rendrons alors aux appartements de votre chevalier, dit