Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/60

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l’indépendant. Peut-on y passer commodément la nuit ? — Ils sont tels qu’ils ont servi à un homme de condition qui est à présent bien plus mal, » répondit l’honnête garde : sa colère s’échauffait si fort qu’il ajouta en murmurant et de manière à ne pas être entendu : « ils peuvent donc bien servir à un tondu comme toi. »

Il lui servit pourtant de guide, et le conduisit aux appartements du conservateur de la chasse.

On arrivait à cette partie de l’édifice par un passage étroit aboutissant au vestibule, fermé, en cas de service, par deux portes en chêne qu’on pouvait barricader au moyen de grosses poutres qui sortaient du mur et entraient dans des trous carrés pratiqués pour les recevoir de l’autre côté de la porte. Au bout de ce passage, ils trouvèrent une petite antichambre qui conduisait au salon du chevalier, qu’on aurait pu appeler, suivant le style du temps, un beau salon d’été. Il était éclairé par deux croisées en saillie, percées de manière à ce que chacune d’elles eût vue sur une avenue différente conduisant fort loin dans la forêt. L’ornement principal de cette pièce, indépendamment de deux ou trois tableaux de famille moins intéressants, était un grand portrait en pied, placé au dessus de la cheminée, qui, comme celle du vestibule, était construite en maçonnerie grossière, décorée de même d’armoiries sculptées et portant aussi différents chiffres. Ce tableau représentait un homme d’environ cinquante ans, armé des pieds à la tête, et peint à la manière sèche et dure d’Holbein ; et sans doute l’ouvrage était de lui, puisque la date correspondait à l’époque où vivait cet artiste. Les angles, les pointes et les avancements de l’armure, tous bien marqués, étaient un bon sujet pour le dur pinceau de cette vieille école : La figure du chevalier, car les couleurs étaient passées, semblait pâle et sombre comme celle d’un fantôme ; mais les traits, malgré tout, exprimaient encore l’orgueil et l’arrogance. Il montrait avec son bâton de commandement, sur l’arrière-plan, autant que l’artiste avait su peindre en perspective, les restes d’une église ou d’un monastère brûlé, avec quatre ou cinq soldats en habits rouges, portant en triomphe un vase d’airain qui servait de fonts ou de lavoir ; au dessus de leurs têtes, on lisait encore : Lee victor sic voluit. Droit en face du portrait, dans une niche pratiquée dans la muraille, une armure complète, couleurs or et noir, avec tous les ornements, correspondait exactement à ce tableau.

C’était un de ces portraits dont le dessin et l’expression ont quelque chose qui attire l’observation même des gens peu connais-