Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/24

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de Lorn de l’autre, étaient des griefs réciproques difficiles à oublier. Rob-Roy était donc sûr de trouver asile sur les terres des Campbell ; d’abord parce qu’il avait pris leur nom comme, allié par sa mère, à la famille des Campbell ; ensuite parce qu’il détestait la maison rivale de Montrose. L’étendue des domaines d’Argyle et la faculté de s’y réfugier en cas de péril l’encouragèrent à exécuter l’audacieux projet de vengeance qu’il avait conçu.

Ce n’était rien moins qu’une guerre de pillage contre le duc de Montrose, qu’il regardait comme l’auteur de son exclusion de la société civile, de la proscription à laquelle on l’avait condamné par lettres de feu et d’épée, de la saisie de ses biens et de la vente de ses domaines. Il se disposa donc à employer contre Sa Grâce, ses tenanciers, amis, alliés et parents, tous les moyens de nuire qui étaient en son pouvoir ; et quoique ce fût un cercle assez large pour exercer un pillage actif, Rob, qui se déclarait jacobite, prit la liberté d’étendre sa sphère d’opérations contre ceux qu’il lui plaisait de considérer comme partisans du gouvernement révolutionnaire et de la plus funeste des mesures… l’union des trois royaumes. Sous l’un ou l’autre de ces prétextes, tous ses voisins des basses terres qui, ayant quelque chose à perdre, refusèrent d’acheter la paix au moyen d’une somme annuelle, furent exposés à ses ravages.

Le pays qu’il fit servir de théâtre à cette guerre privée, à ce système de déprédation, et où l’on n’avait pas encore ouvert de routes, fut extrêmement favorable à son projet. Il était coupé par d’étroites vallées dont la partie habitable n’était nullement en proportion avec les vastes et désertes forêts entourées de rochers, de précipices, remplies de passages impénétrables, de marais, de fortifications naturelles, connus des seuls habitants au milieu desquels un petit nombre d’hommes, joignant à la connaissance des lieux l’adresse la plus ordinaire, étaient capables d’échapper aux poursuites d’un ennemi nombreux.

Les opinions et les habitudes des habitants de la frontière étaient aussi très-favorables aux projets de Rob-Roy. La plupart étaient du clan de Mac-Gregor, et réclamaient les domaines de Balquhidder et autres districts situés dans les montagnes, comme faisant partie des anciennes propriétés de leur tribu, quoique les lois, dont la rigueur leur avait causé de si rudes souffrances, en eussent assigné la possession à d’autres familles. Les guerres civiles du dix-septième siècle avaient habitué ces hommes au maniement des armes ; surtout ils étaient braves et exaspérés par le souvenir