Aller au contenu

Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Doligni fils, à part.

Et si j’ai beaucoup vû, mais beaucoup.Quelle tête !
Quant à moi, je soutiens, sans me faire de fête,
Qu’on aime, & que sans doute on aimera toujours.
Le monde est plein d’amans ; il s’en fait tous les jours…

Le Marquis.

Que le goût des plaisirs, la fortune, la gloire,
L’intérêt, l’amour-propre, & semblables raisons
Engagent à former entr’eux des liaisons
Qui n’ont rien de l’amour que le nom.

Doligni fils.

Qui n’ont rien de l’amour que le nom.J’ose croire
Qu’il en est dont le cœur est vraiment enflammé.

Le Marquis.

Dis que l’on feint d’aimer, & de se croire aimé.

Doligni fils.

Mais Marianne a-t-elle attiré votre hommage ?

Le Marquis.

Mais, tout comme d’une autre, on peut s’en amuser.

Doligni fils.

Ah ! feindre de l’aimer, c’est lui faire un outrage.
Et si son cœur allait se laisser abuser ?

Le Marquis.

Eh ! bien, le pis aller, est-ce un si grand dommage ?

Doligni fils.

Comment, vous ne feriez semblant de l’adorer
Que pour le seul plaisir de la déshonorer,
Et d’en rire après son naufrage ?
Ah ! Marquis, quel projet ! quelle malignité !
Si vous réussissez dans cette indignité,