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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/342

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ACTE III



Scène I.

Mr. ARGANT, DOLIGNI pere.
Doligni pere.

Vous rêvez ?

Mr. Argant.

Vous rêvez ?J’ai de quoi. Depuis trente ans au plus,
Que dépourvu de biens, (car jamais je n’en eus,)
Je m’en fus à la Martinique,
Où j’épousai Madame Argant,
Il faut que mon esprit soit devenu Gothique,
Ou Paris bien extravagant.

Doligni pere.

Ami, c’est l’un & l’autre. Après trente ans d’absence,
À peine revenu depuis six mois en France,
Dont vous avez passé le tiers hors de Paris,
Tout vous y paroît neuf. Ne soyez pas surpris,
Si vous n’en sçavez plus les êtres.
Mais rendons-nous justice, & n’ayons plus d’humeurs.
Nous sommes vieux, les tems amenent d’autres mœurs.
Avions-nous conservé celles de nos ancêtres ?
Nos enfans, à leur tour, occupent le tapis.
Tout roule, & roulera toujours de mal en pis.