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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/343

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Par une extravagance, une autre est abolie.
D’âge en âge on ne fait que changer de folie.

Mr. Argant.

Je le vois bien. Il faut qu’au sujet du dîner,
Je vous fasse un aveu naïf & véritable.
Excepté le rôti, je n’ai pû deviner
Le nom d’aucun des plats qu’on a servis à table.

Doligni pere.

Je n’en ai pas, non plus, reconnu la moitié.
Tout change de nature, à force de mélange.

Mr. Argant.

Il faut être sorcier pour sçavoir ce qu’on mange.
C’est encore au dessert où j’ai ri de pitié,
De nous voir assommés d’un fatras de verrailles,
Garni de marmousets & d’arbustes confus,
Qui font un bois-taillis, où l’on ne se voit plus
Qu’au travers de mille broussailles.
Et tout cet attirail, piece à piece apporté
Par un maître Valet, par d’autres escorté,
Est une heure à ranger sur le lieu de la scene ;
Et tient, en attendant, tout le monde à la gêne.
Quels convives d’ailleurs ! Je veux être pendu,
Oui, si j’ai rien compris, si j’ai rien entendu
À l’étrange jargon qu’ils parloient tous ensemble.
Tous les foux de Paris étoient de ce repas.

Doligni pere.

Doucement. Vous n’y pensez pas.
Ce sont de beaux esprits que Le Marquis rassemble,
Et qui dans votre Hôtel ont ouvert leur bureau.