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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 2.djvu/397

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Mais, étant le plus foible, il a fallu se rendre.
Il est entre leurs mains, pris, & même blessé.

Mad. Argant.

Blessé ! Le malheureux ! Quel parti faut-il prendre ?

Mr. Argant.

Mais Doligni, que j’ai laissé,
Croit avoir quelque espoir d’empêcher les poursuites ;
Et, comme il est intelligent,
Peut-être avec beaucoup d’argent
Cette aventure-là n’aura pas d’autres suites.

Mad. Argant.

Les suites n’en seront funestes que pour moi.
Idole de mon cœur ! Malheureuse chimere !
Fils indigne ! Ah ! le Ciel te devoit une mere
Incapable d’avoir le moindre amour pour toi.
Est-ce au fond de mon sein qu’il a puisé ces vices ?
Pour lui seul j’ai laissé ma fille dans l’oubli ;
La moitié de mon sang y reste enseveli ;
Je faisois à l’ingrat les plus grands sacrifices :
Et voilà tout le fruit que je vais retirer !
Ma honte est mon salaire ! Hélas ! qui l’eût pû croire ?
Pour détacher mon cœur, il faut le déchirer :
Mais je remporterai cette affreuse victoire.
Va, ma haine commence où mon erreur finit.
(à Monsieur Argant.)
Triomphez… le Ciel me punit.

Mr. Argant.

Eh ! ne séparez point mon intérêt du vôtre.
Sans nous rien reprocher, gémissons l’un & l’autre