Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/140

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railles, et de la finir par le fer ou par le poison, que d’exposer ma réputation aux médisances inévitables à toute femme de mon âge, et de ma qualité, qui est éloignée de son mari. Quoique je n’eusse pas assez d’expérience pour en prévoir les conséquences, ni ceux qui étoient de mon secret aussi, je ne laissai pas de rendre de grands combats contre moi-même avant que de terminer ; et la peine que j’eus à le faire, si vous la pouviez savoir, vous feroit beaucoup mieux comprendre que toutes les choses que je vous ai contées, combien pressante étoit la nécessité de prendre le funeste parti que je pris. Je puis bien vous assurer que mes divertissements ne furent qu’apparents depuis que j’eus formé ma résolution ; et que Mme la Comtesse avoit grand tort de me reprocher ma tranquillité. Je ne dormois presque, ni buvois, ni mangeois, plus de huit jours auparavant, et je fus si troublée en partant, qu’il fallut revenir de la porte Saint-Antoine prendre la cassette de mon argent, et de mes pierreries que j’avois oubliée. Il est vrai que je ne songeois pas seulement que l’argent pût jamais manquer, mais l’expérience m’a appris que c’est la première chose qui manque ; surtout aux gens qui pour en avoir toujours eu de reste, n’en ont jamais connu l’importance et la nécessité de le ménager. J’avois pourtant laissé les clefs de mon appartement à mon frère pour se saisir de ma vaisselle d’argent, et de plusieurs autres meubles et nippes de prix ; mais il usa de si grande négligence, que M. Mazarin le prévint, à telles enseignes qu’il en vendit quelque temps après à Mme de la Vallière pour cent mille francs.