Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/20

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blic, à faire imprimer la collection de ses œuvres originales ; Silvestre et Des Maizeaux, trop scrupuleux à leur office, ont grossi, sans choix et sans mesure, le nombre des productions qu’ils livroient à la publicité. Une foule de bluettes que Saint-Évremond auroit sagement laissé mourir dans l’oubli, ont été recueillies et ravivées ; et l’absence de critique de ses éditeurs a porté un nouveau tort à sa renommée. Saint-Évremond a été la victime de la passion des modernes pour les Œuvres complètes ; le médiocre y a nui, comme toujours, à l’excellent. Saint-Évremond, qui avoit judicieusement critiqué la compilation indiscrète des Œuvres de Malherbe, donnée par Ménage, et celle des Œuvres de Voiture, donnée par son neveu Pinchène, n’auroit pas, à coup sûr, approuvé que Silvestre et Des Maizeaux réunissent, à côté de chefs-d’œuvre qui assurent la gloire de son nom, tant d’insignifiants opuscules, fournis par des seigneurs anglois, qui avoient vécu, à Londres, dans l’intimité des salons fréquentés par notre auteur. Poussant plus loin encore la complaisance pour les curieux, Silvestre et Des Maizeaux ont voulu reproduire, à la suite des œuvres avouées, les œuvres supposées de Saint-Évremond ; de sorte que, sur les douze volumes de la bonne édition de 1753, il y en a six d’ouvrages apocryphes, qui, pour la plupart, ne supportent pas la lecture. Le remède à la falsification a donc été pire, peut-être, que la falsification même, parce que le public y a trouvé une nouvelle déception ; et la réputation du plus délicat et du plus spirituel des écrivains de ce temps-là est restée compromise par la sotte curiosité des éditeurs sincères de ses Œuvres.