Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/21

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Cependant, l’édition des Œuvres de Saint-Évremond, donnée à Londres en 1705, par Silvestre et Des Maizeaux, avoit produit cet avantage, de mettre le public en possession d’un texte correct et pur, collationné sur des originaux annotés et vérifiés par Saint-Évremond lui-même, et d’offrir la pensée vraie, avec la forme intacte, de cet écrivain aimable et fécond. Mais, lorsque cette leçon authentique a été publiée, elle n’a pu pénétrer en France qu’avec difficulté, à cause des doctrines philosophiques qu’on y trouvoit exprimées : les éditions falsifiées de Barbin avoient seules le privilège de la circulation libre et publique à Paris ; et plus tard, quand enfin les bonnes éditions ont pu se répandre avec plus de facilité, le temps avoit amené, dans l’opinion, un autre aspect des choses et d’autres goûts littéraires. L’élan philosophique et novateur emportoit alors les esprits. La critique fine et de bon goût de Saint-Évremond n’étant plus au niveau de l’audace du siècle, les éditions répandues alors de Silvestre et Des Maizeaux ont trouvé l’enthousiasme refroidi ; vainement essayoit-on de le réchauffer. Les voiles que la bienséance avoit jetés, au dix-septième siècle, sur les hardiesses du scepticisme épicurien, ne convenoient plus à la passion agressive du dix-huitième ; le langage respectueux et mesuré de Saint-Évremond condamnoit les témérités de l’école de Voltaire.

Quoi qu’il en soit, une ère de réparation semble être ouverte. M. Sainte-Beuve avoit donné, plusieurs fois, l’exemple d’une appréciation plus juste de Saint-Évremond, notamment dans l’Histoire de Port-Royal, à propos du spirituel d’Aubigny, un des amis les plus