Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/216

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sance n’a guère connu que l’amour des conteurs, expression charmante, mais incomplète, de l’un des penchants les plus irrésistibles de la nature1. L’érudition du seizième siècle lui avoit redonné le caractère païen de l’amour classique. Tel il apparoît dans les ouvrages de Louise Labé : il n’a pas, chez les anciens, de forme plus douce, plus vraie, et même plus spirituelle, que dans les productions de cette femme incomparable. L’idéalisme de la passion en est fort éloigné. L’esprit françois en avoit perdu la trace depuis Héloïse ; il ne faut pas la chercher dans les Dames galantes, de Brantôme. Toutefois, les mœurs libres du seizième siècle en ont préparé le retour. « Quant à nos belles Françoises, dit Brantôme, on les a vues le temps passé fort grossières, et qui se contentoient de faire l’amour à la grosse mode ; mais, depuis cinquante ans en ça, elles ont emprunté et appris des autres nations tant de gentillesses, de mignardises, d’attraits et de vertus, d’habits, de belles grâces et de lascivetés, ou d’elles-mêmes se sont si bien étudiées à se façonner, que maintenant il faut dire qu’elles surpassent toutes les autres en toutes façons. » Enfin, la passion de l’amour, connue à la dérobée, par les deux Marguerites, ces femmes d’un esprit si rare, et si mal jugées, a pris une place culminante dans la littérature françoise, au dix-septième siècle, sous l’influence de la littérature italienne, et surtout de la littérature espagnole, alors dépositaire des traditions poétiques et galantes que les Arabes avoient jadis transmises aux troubadours.



1. Voy. ma Lettre critique sur les Contes de Perrault, et celle qui précède les Pastorales de Longus.