Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/228

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bazon a été bien plus critiquée pour les écus bourgeois de Bullion, que pour les folies du maréchal d’Hocquincourt, ou pour la passion de Rancé.

On voit, du reste, dans Guy Patin et ailleurs, que les bourgeoises de Paris étoient fort supérieures à leurs époux, pour le ton, pour le goût, pour l’esprit et pour la culture littéraire ; elles lisoient Mlle Scudéry avec fureur, et s’entendoient à merveille avec la jeunesse dorée de la cour. Plusieurs tenoient salon, et l’esprit y rétablissoit le niveau entre les conditions. Mlle de la Vigne, oubliée par les modernes, mais dont les contemporains ont fait grand cas3 ; Mlle Dupré, Mme Chéron, avoient vu les hommes les plus distingués de leur temps fort empressés autour d’elles. Mme Cornuel, et avant elle Mlle Paulet, Mme Pilou, avoient fait respecter l’esprit par la naissance. Madame Hervart étoit une femme d’un goût exquis, amie de La Fontaine et de Saint-Évremond. On voyoit des financiers, des partisans, tels que Montauron et Rambouillet, s’appliquer à relever, par leurs manières, l’origine de leur opulence ; tous les petits fiefs de la banlieue étoient dans les mains des financiers ; ils y menoient grand train, et les arts n’avoient pas de Mécènes plus généreux. Les gens de lettres leur dédioient souvent leurs livres, et cet honneur des Dédicaces étoit fort recher-


3. Voy Moréri, V. Vigne et l’abbé de la Porte, tom. I. Les recueils de Conrart et ceux de l’Académie Françoise contiennent des poésies de Mlle de la Vigne, que Descartes avoit honorée, et que Saint-Évremond connut, dit-on, d’une façon plus intime. On avoit beaucoup parlé, dans le monde, de la passion d’un moine espagnol pour elle.