Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/230

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presque autant de succès, au dix-septième siècle, que l’amour à l’espagnole et à la Scudéry.

« On ne sauroit, disoit-il, avoir trop d’adresse à ménager ses plaisirs ; encore les plus entendus ont-ils de la peine à les bien goûter. La longue préparation en nous ôtant la surprise nous ôte ce qu’ils ont de plus vifs ; si nous n’en avons aucun soin, nous les prendrons mal à propos, dans un désordre ennemi de la politesse, ennemi des goûts véritablement délicats… La nature porte tous les hommes à rechercher leurs plaisirs ; mais ils les recherchent différemment, selon la différence des humeurs et des génies. Les sensuels s’abandonnent grossièrement à leurs appétits, ne se refusant rien de ce que les animaux demandent à la nature. Les voluptueux reçoivent une impression sur les sens, qui va jusqu’à l’âme. Je ne parle pas de cette âme purement intelligente, d’où viennent les lumières les plus exquises de la raison ; je parle d’une âme plus mêlée avec le corps, qui entre dans toutes les choses sensibles, qui connoit et goûte les voluptés. L’esprit a plus de part au goût des délicats qu’à celui des autres ; sans les délicats la galanterie seroit inconnue, la musique rude, les repas mal propres et grossiers. C’est à eux que l’on doit tout ce que le raffinement de notre siècle a trouvé de plus poli et de plus curieux dans les plaisirs. »

Il étoit ennemi des chimères, mais il apprécioit avec finesse les nuances graduées du sentiment. Quoi de plus aimable et de plus ingénieux que cette page, écrite en 1658 ? « Quoique l’amour agisse diversement, selon la diversité des complexions, on