Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/241

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prit, à Mme de Montespan, et à Mme de Ludre ; mais Louis XIV en a été plus rabaissé. Le mot de Saint-Simon est grossier, mais vrai. Aux yeux de la France et de l’Europe, le roi avoit épousé l’ébreneuse de ses bâtards, sa chambrière. Les conséquences de cet événement ont été incalculables, et tout l’esprit de Mme de Maintenon n’a pu les conjurer.

La société polie, et les poëtes, ont donc été favorables à Louis XIV tendre et passionné. Le goût public et la littérature dramatique s’en ressentirent. Nous devons sans doute à Mme de Maintenon, Esther et Athalie, et c’est beaucoup. Mais nous devons aux mœurs galantes du siècle, la tournure héroïque du talent de Corneille ; et aux premières amours de Louis XIV, la direction tendre et affectueuse du talent de Racine. Le vous m’aimez et je pars, de Berénice, étoit de Marie Mancini, et tout le monde le savoit. L’influence que la galanterie du dix-septième siècle a exercée sur notre théâtre a frappé Saint-Évremond, et il en a fait l’objet de remarques spirituelles et judicieuses. Ce qu’il a écrit, à ce sujet, le place même dans une classe à part et supérieure de nos critiques. Personne de son temps n’a discouru, avec plus d’originalité, sur l’emploi de l’amour, comme moyen d’émotion, au théâtre, et n’a mieux apprécié les qualités de l’esprit François, à cet égard. Sa discussion sur Racine et Corneille est moins académique et plus partiale que celle de la Bruyère, mais elle est plus libre et sent moins la rhétorique.

Par-dessus tout, Saint-Évremond est épicurien, et l’homme du monde est encore dominé par le philosophe. De là le caractère particulièrement indul-