Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/293

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maris si terrible, et plus tard maréchal d’Albret12, rare en esprit, magnifique en dépense ; et Palluau, qui devint le maréchal de Clérembaut : tous deux, amis intimes de Saint-Évremond. Puis vint :

Ce jeune duc, qui gagnoit des batailles,
Qui sut couvrir de tant de funérailles
Les champs fameux de Nordlingue et Rocroi.

Infortunée Marthe de Vigean ! Le héros vous aimoit pourtant, mais le soir il alloit souper chez Ninon. Personne, au reste, n’a donné plus de marques publiques d’estime à Mlle de Lenclos que le grand Condé. Lorsque des dévotes en crédit suscitèrent des tracasseries à la belle indévote, et qu’on craignit pour elle une incarcération, Condé promenant, un jour, au Cours-la-Reine, rendez-vous habituel de la société parisienne, et y voyant arriver Ninon, descendit de voiture et s’avança, le chapeau à la main, du carrosse de Mlle de Lenclos, qu’il entretint pendant longtemps, en lui donnant toutes sortes de marques d’honneur, à la vue de toute la population : lui qui, selon la parole de Mme de Sévigné, ne jetoit pas son estime à la tête des dames.

Le prince de Marsillac (le célèbre duc de la Rochefoucauld) vit Ninon, pour la première fois, vers cette époque, et il se lia bientôt avec elle d’une amitié qui dura jusqu’à la mort. Il conduisit plus tard, chez elle, le jeune comte de Saint-Paul, fils


12. Il paroît qu’en 1657 le maréchal d’Albret, malheureux chez Mlle de Guerchi, qui logeoit vis-à-vis de Mlle de Lenclos, passa le ruisseau, et vint en conter à Ninon, pour la deuxième fois, ce qui donna de la jalousie à Villarceaux, selon Tallemant.