Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/294

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de Mme de Longueville, et si cher à l’auteur des Maximes. Rien ne fit plus d’honneur à Ninon que son noble désintéressement au milieu de ces relations illustres. Elle avoit sept ou huit mille livres de rente, et se fesoit honneur de ce petit revenu patrimonial, mais viager, qu’elle joignoit, peut-être, à la pension du cardinal de Richelieu.

Après une maladie qui la mit aux portes du tombeau et pendant laquelle elle montra une grande constance philosophique, Ninon, que ses amis désolés avoient fidèlement entourée, ce qui lui fesoit dire en souriant : « Je ne laisse après ma mort que des mourants ; » Ninon reprit toute sa beauté et se montra sensible aux hommages du marquis de Jarzay, célèbre par sa passion folle pour la reine Anne d’Autriche, et par l’aventure du jardin de Renard, pendant la Fronde. Elle fut touchée aussi de l’affection du chevalier de Méré, dont l’esprit un peu recherché eut son tour de faveur. On prétend qu’à l’occasion des magnificences de Miossens, que payoit peut-être, sans s’en douter, la duchesse de Rohan, le chevalier de Méré avoit fait cette épigramme spirituelle, mais injuste : car Ninon, fidèle en cela aux principes de Marion de Lorme, ne consulta jamais que les mouvements libres de son âme, pour distinguer ses élus.

Au temps heureux où régnoit l’innocence,
On goûtoit, en aimant, mille et mille douceurs,
Et les amants ne fesoient de dépense
Qu’en soins et qu’en tendres ardeurs.
Mais aujourd’hui, sans opulence,
Il faut renoncer aux plaisirs.
Un amant qui ne peut dépenser qu’en soupirs
N’est plus payé qu’en espérance.