Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment le rompre, ou du moins ils peuvent le dénouer. De nouvelles douceurs qu’on goûte avec de nouveaux amis effacent le souvenir des contentements passés. Les premiers plaisirs de chaque engagement ont je ne sais quoi de piquant, qui excite le désir de s’engager davantage : dès qu’ils deviennent plus solides, ils rassasient.

C’est pourquoi il n’y a pas de raison de reprocher le changement, comme un fort grand mal : il ne dépend guère plus de certaines gens d’aimer ou de n’aimer pas, que de se porter bien ou d’être malades. Tout ce qu’on peut demander raisonnablement aux personnes légères, c’est d’avouer de bonne foi leur légèreté, et de ne pas ajouter la trahison à l’inconstance… Car il n’arrive que trop souvent que les amitiés les mieux établies, que les confidences les plus étroites, se relâchent insensiblement.

Nous avons tort de nous récrier contre l’ingratitude, et de blâmer ceux qui nous quittent : nous sommes quelquefois bien aises qu’ils nous donnent l’exemple de changer. Nous cherchons querelle, nous faisons semblant d’être bien fâchés, afin d’avoir quelque prétexte pour nous mettre en liberté. Mais, quand ce seroit une vraie colère, peut-être n’est-ce point leur faute ; peut-être est-ce la nôtre. Qui de nous a