Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/442

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que cela doive être quelque chose à des gens qui vont n’être plus. Il n’y a rien qui puisse effacer l’horreur du passage, que la persuasion d’une autre vie attendue avec confiance, dans une assiette à tout espérer et à ne rien craindre. Du reste, il faut aller insensiblement où tant d’honnêtes gens sont allés devant nous, et où nous serons suivis de tant d’autres.

Si je fais un long discours sur la mort, après avoir dit que la méditation en étoit fâcheuse, c’est qu’il est comme impossible de ne faire pas quelque réflexion sur une chose si naturelle : il y auroit même de la mollesse à n’oser jamais y penser. Mais, quoi qu’on dise, je ne puis en approuver l’étude particulière ; c’est une occupation trop contraire à l’usage de la vie. Il en est ainsi de la tristesse et de toutes sortes de chagrins : on ne sauroit s’en défaire absolument. D’ailleurs, ils sont quelquefois légitimes. Je trouve raisonnable qu’on s’y laisse aller, en certaines occasions. L’indifférence est honteuse, en quelques disgrâces. La douleur sied bien, dans les malheurs de nos vrais amis ; mais l’affliction doit être rare et bientôt finie : la joie fréquente, et curieusement entretenue.

On ne sauroit donc avoir trop d’adresse à ménager ses plaisirs. Encore les plus entendus ont-ils de la peine à les bien goûter. La longue préparation, en nous ôtant la surprise, nous