Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/443

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ôte ce qu’ils ont de plus vif. Si nous n’en avons aucun soin, nous les prendrons mal à propos, dans un désordre ennemi de la politesse, ennemi des goûts véritablement délicats.

Une jouissance imparfaite laisse du regret. Quand elle est trop poussée, elle apporte le dégoût. Il y a un certain temps à prendre, une justesse à garder, qui n’est pas connue de tout le monde. Il faut jouir des plaisirs présents, sans intéresser les voluptés à venir4.

Il ne faut pas, aussi, que l’imagination des biens souhaités fasse tort à l’usage de ceux qu’on possède. C’est ce qui obligeoit les plus honnêtes gens de l’antiquité à faire tant de cas d’une modération qu’on pouvoit nommer économie, dans les choses désirées ou obtenues.

Comme vous n’exigez pas de vos amis une régularité qui les contraigne, je vous dis les réflexions que j’ai faites, sans aucun ordre, selon qu’elles viennent dans mon esprit.

La nature porte tous les hommes à rechercher leurs plaisirs ; mais ils les recherchent différemment, selon la différence des humeurs et des génies. Les sensuels s’abandonnent gros-


4. Voy., infra, au § XVIII, les réflexions de Saint-Évremond, sur la morale d’Épicure, et p. 62.