Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/61

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En vain contre le Cid un ministre se ligue ;
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
L’Académie en corps a beau le censurer ;
Le public révolté s’obstine à l’admirer.

L’indépendance du public a été défendue par Molière ; mais Molière a été, sans le vouloir peut-être, injuste envers Vaugelas, le véritable directeur, le meneur sensé, le promoteur autorisé de la réforme de la langue. Ces quelques malheureux vers de Molière, que tout le monde sait, ont répandu sur le personnage de Vaugelas un ridicule dont il ne s’est pas relevé ; cependant, les services qu’il a rendus sont immenses. Il a été infatigable à l’œuvre ; ses Remarques ont mis tous les bons esprits du côté de la réforme. Elles furent publiées en 1647 ; il n’y avoit pas une faute, pas une puérilité à lui reprocher : et quand il a remplacé Chapelain, dans la direction du mouvement, à l’académie, la face des choses a changé. Il a fait un fonds des exemples fournis par l’usage et par les monuments littéraires ; et puis, procédant sur cette masse incohérente, éclairé par la science et la raison, il a éliminé sans pitié tout ce que n’autorisoit pas le bon sens et le goût. Les Remarques de Vaugelas sont la pierre fondamentale de cette construction merveilleuse, qu’on appelle la langue françoise. Montaigne, Amyot, Rabelais, étoient de grands écrivains ; mais il leur a manqué l’art de coordonner les idées, la vigueur soutenue du discours, la propriété raisonnée des expressions, quelquefois même la clarté. Vaugelas a dit : C’est par les beaux côtés qu’il faut leur ressembler ; et de ces beaux côtés il a tiré la règle litté-