Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/207

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Il y a une autre diversité dans les éloges des anciens, plus délicate, qui nous est encore moins connue. C’est une certaine différence, dont chaque vice ou chaque vertu est marquée par l’impression particulière qu’elle prend dans les esprits où elle se trouve. Par exemple, le courage d’Alcibiade a quelque chose de singulier qui le distingue de celui d’Épaminondas, quoique l’un et l’autre aient su exposer leur vie également. La probité de Caton est autre que celle de Catulus ; l’audace de Catilina n’est pas la même que celle d’Antoine ; l’ambition de Sylla et celle de César n’ont pas une parfaite ressemblance ; et de là vient que les anciens, en formant le caractère de leurs grands hommes, forment, pour ainsi dire, en même temps, le caractère des qualités qu’ils leur donnent, afin qu’ils ne paroissent pas seulement ambitieux et hardis, ou modérés et prudents ; mais qu’on sache plus particulièrement quelle étoit l’espèce d’ambition et de courage, ou de modération et de prudence qu’ils ont eue.

Salluste4 nous dépeint Catilina comme un homme de méchant naturel, et la méchanceté de ce naturel est aussitôt exprimée : Sed ingenio malo pravoque. L’espèce de son ambition


4. Voy. les Observations sur Salluste et sur Tacite, page 155 de ce volume.