Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/49

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Souvent, le consul victorieux n’étoit pas de meilleure condition que le peuple qu’il avoit vaincu. Le refus du butin a coûté la vie. Le partage des dépouilles a causé le bannissement. On a refusé d’aller à la guerre, sous certains chefs : on n’a pas voulu vaincre, sous d’autres. La sédition se prenoit aisément pour un effet de la liberté, qui croyoit être blessée par toute sorte d’obéissance, même aux magistrats qu’on avoit faits, et aux capitaines qu’on avoit choisis.

Le génie de ce peuple étoit rustique, autant que farouche. Les dictateurs se tiroient quelquefois de la charrue, qu’ils reprenoient quand l’expédition étoit achevée : moins par le choix d’une condition tranquille et innocente, que pour être accoutumés à une sorte de vie si inculte. Pour cette frugalité tant vantée, ce n’étoit point un retranchement des choses superflues, ou une abstinence volontaire des agréables, mais un usage grossier de ce qu’on avoit entre les mains. On ne désiroit point les richesses qu’on ne connoissoit pas ; on se contentoit de peu, pour ne rien imaginer de plus ; on se passoit des plaisirs dont on n’avoit pas l’idée. Cependant, à moins que d’y faire bien réflexion, on prendroit ces vieux Romains pour les premières gens de l’univers ; car leur postérité a consacré jusqu’aux moindres de leurs actions, soit qu’on respecte naturellement ceux qui commencent