Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/31

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ces scolastiques donnent ordinairement des exemples de cette puissance que je tiens impossibles, comme lorsqu’ils prétendent que Dieu peut donner à la créature la faculté de créer. Il se peut qu’il y ait des miracles que Dieu fait par le ministère des anges, où les lois de la nature ne sont point violées, non plus que lorsque les hommes aident la nature par l’art, l’artifice des anges ne différant du nôtre que par le degré de perfection ; cependant il demeure toujours vrai que les lois de la nature sont sujettes à la dispensation du législateur, au lieu que les vérités éternelles, comme celles de la géométrie, sont tout à fait indispensables, et la foi n’y saurait être contraire. C’est pourquoi il ne se peut faire qu’il y ait une objection invincible contre la Vérité. Car si c’est une démonstration fondée sur des principes ou sur des faits incontestables, formée par un enchaînement des vérités éternelles, la conclusion est certaine et indispensable, et ce qui y est opposé doit être faux ; autrement deux contradictoires pourraient être vraies en même temps. Que si l’objection n’est point démonstrative, elle ne peut former qu’un argument vraisemblable, qui n’a point de force contre la foi, puisqu’on convient que les mystères de la religion sont contraires aux apparences. Or, M. Bayle déclare, dans sa réponse posthume à M. Le Clerc, qu’il ne prétend point qu’il y ait des démonstrations contre les vérités de la foi ; et par conséquent toutes ces difficultés invincibles, ces combats prétendus de la raison contre la foi s’évanouissent.

Hi motus animorum atque hæc discrimina tanta
Pulveris exigui jactu compressa quiescunt.

4. Les théologiens protestants, aussi bien que ceux du parti de Rome, conviennent des maximes que je viens de poser, lorsqu’ils traitent la matière avec soin ; et tout ce qu’on dit contre la raison ne porte coup que contre une prétendue raison, corrompue et abusée par de fausses apparences. Il en est de même des notions de la justice et de la bonté de Dieu. On en parle quelquefois, comme si nous n’en avions aucune idée ni aucune définition. Mais en ce cas nous n’aurions point de fondement de lui attribuer ces attributs ou de l’en louer. Sa bonté et sa justice, aussi bien que sa sagesse, ne diffèrent des nôtres que parce qu’elles sont infiniment plus parfaites. Ainsi, les notions simples, les vérités nécessaires et les conséquences démonstratives de la philosophie ne sauraient être contraires à la révélation. Et lorsque quelques maximes philosophiques