Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/364

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ne saurait prouver que, dans toute la cité de Dieu, composée tant de génies que d’animaux raisonnables sans nombre et d’une infinité d’espèces, le mal surpasse le bien ; et, quoiqu’on n’ait point besoin, pour répondre à une objection, de prouver qu’une chose est, quand sa seule possibilité suffit, on n’a pas laissé de montrer dans cet ouvrage que c’est une suite de la suprême perfection du souverain de l’univers que le royaume de Dieu soit le plus parfait de tous les états ou gouvernements possibles, et que, par conséquent, le peu de mal qu’il y a soit requis pour le comble du bien immense qui s’y trouve.

III. Objection. S’il est toujours impossible de ne point pécher, il est toujours injuste de punir. Or il est toujours impossible de ne point pécher ; ou bien, tout péché est nécessaire. Donc il est toujours injuste de punir.

On en prouve la mineure.

1. Prosyllogisme. Tout prédéterminé est nécessaire.

Tout événement est prédéterminé.

Donc tout événement (et par conséquent le péché aussi) est nécessaire.

On prouve encore ainsi cette seconde mineure.

2. Prosyllogisme. Ce qui est futur, ce qui est prévu, ce qui est enveloppé dans les causes est prédéterminé.

Tout événement est tel.

Donc tout événement est prédéterminé.

Réponse. On accorde dans un certain sens la conclusion du second prosyllogisme, qui est la mineure du premier ; mais on niera la majeure du premier prosyllogisme, c’est-à-dire que tout prédéterminé est nécessaire, entendant par la nécessité de pécher, par exemple, ou par l’impossibilité de ne point pécher, ou de ne point faire quelque action, la nécessité dont il s’agit ici, c’est-à-dire celle qui est essentielle et absolue, et qui détruit la moralité de l’action et la justice des châtiments ; car, si quelqu’un entendait une autre nécessité ou impossibilité, c’est-à-dire une nécessité qui ne fût que morale ou qui ne fût qu’hypothétique (qu’on expliquera tantôt), il est manifeste qu’on lui nierait la majeure de l’objection même. On se pourrait contenter de cette réponse, et demander la preuve de la proposition niée ; mais on a bien voulu encore rendre raison de son procédé dans cet ouvrage, pour mieux éclaircir la chose, et pour donner plus de jour à toute cette matière, en expliquant la nécessité qui doit être rejetée, et la détermination qui doit avoir lieu. C’est que la nécessité, contraire à la moralité, qui doit être évitée, et qui ferait que le châtiment