Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/365

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serait injuste, est une nécessité insurmontable qui rendrait toute opposition inutile, quand même on voudrait de tout son coeur éviter l’action nécessaire, et quand on ferait tous les efforts possibles pour cela. Or il est manifeste que cela n’est point applicable aux actions volontaires ; puisqu’on ne les ferait point si on ne le voulait bien. Aussi leur prévision et prédétermination n’est point absolue, mais elle suppose la volonté : s’il est sûr qu’on les fera, il n’est pas moins sûr qu’on les voudra faire. Ces actions volontaires, et leurs suites, n’arriveront point quoi qu’on fasse, ou soit qu’on les veuille ou non, mais parce qu’on fera et parce qu’on voudra faire ce qui y conduit. Et cela est contenu dans la prévision et dans la prédétermination, et en fait même la raison. Et la nécessité de tels événements est appelée conditionnelle ou hypothétique, ou bien nécessité de conséquence, parce qu’elle suppose la volonté et les autres réquisits ; au lieu que la nécessité qui détruit la moralité, et qui rend le châtiment injuste et la récompense inutile, est dans les choses qui seront quoi qu’on fasse et quoi qu’on veuille faire, et, en un mot, dans ce qui est essentiel ; et c’est ce qu’on appelle une nécessité absolue. Aussi ne sert-il de rien, à l’égard de ce qui est nécessaire absolument, de faire des défenses ou des commandements, de proposer des peines ou des prix, de blâmer ou de louer ; il n’en sera ni plus, ni moins. Au lieu que, dans les actions volontaires et dans ce qui en dépend, les préceptes, armés du pouvoir de punir et de récompenser, servent très souvent, et sont compris dans l’ordre des causes qui font exister l’action ; et c’est par cette raison que non seulement les soins et les travaux, mais encore les prières sont utiles ; Dieu ayant encore eu ces prières en vue avant qu’il ait réglé les choses, et y ayant eu l’égard qui était convenable. C’est pourquoi le précepte qui dit : Ora et labora (Priez et travaillez), subsiste tout entier ; et non seulement ceux qui pré tendent, sous le vain prétexte de la nécessité des événements, qu’on peut négliger les soins que les affaires demandent, mais encore ceux qui raisonnent contre les prières tombent dans ce que les anciens appelaient déjà le sophisme paresseux. Ainsi la prédétermination des événements par les causes est justement ce qui contribue à la moralité au lieu de !a détruire, et les causes inclinent la volonté, sans la nécessiter. C’est pourquoi la détermination dont il s’agit n’est point une nécessitation : il est certain (à celui qui sait tout) que l’effet suivra cette inclination ; mais cet effet n’en suit point