Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/39

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religion. On trouve aussi des traces de cette doctrine dans le Circulus pisanus Claudii Berïgardi[1], qui fut un auteur français de nation, transplanté en Italie et enseignant la philosophie à Pise ; mais surtout, les écrits et les lettres de Gabriel Naudé, aussi bien que les Naudeana, font voir que l’averroïsme subsistait encore quand ce savant médecin était en Italie. La philosophie corpusculaire, introduite un peu après, paraît avoir éteint cette secte trop péripatéticienne, ou peut-être y a été mêlée ; et il se peut qu’il y ait des atomistes qui seraient d’humeur à dogmatiser comme ces averroïstes, si les conjonctures le permettaient ; mais cet abus ne saurait faire tort à ce qu’il y a de bon dans la philosophie corpusculaire, qu’on peut fort bien combiner avec ce qu’il y a de solide dans Platon et dans Aristote, et accorder l’un et l’autre avec la véritable théologie.

12. Les réformateurs, et Luther surtout, comme j’ai déjà remarqué, ont parlé quelquefois comme s’ils rejetaient la philosophie et comme s’ils la jugeaient ennemie de la foi. Mais à le bien prendre, on voit que Luther n’entendait par la philosophie que ce qui est conforme au cours ordinaire de la nature, ou peut-être même ce qui s’enseignait dans les écoles ; comme lorsqu’il dit qu’il est impossible en philosophie, c’est-à-dire dans l’ordre de la nature, que le Verbe se fasse chair, et lorsqu’il va jusqu’à soutenir que ce qui est vrai en physique pourrait être faux en morale. Aristote fut l’objet de sa colère, et il avait dessein de purger la philosophie dès l’an 1516, lorsqu’il ne pensait peut-être pas encore à réformer l’Église. Mais enfin il se radoucit et souffrit que dans l’apologie de la confession d’Augsbourg on parlât avantageusement d’Aristote et de sa morale. Mélanchthon, esprit solide et modéré, fit de petits systèmes des parties de la philosophie, accommodés aux vérités de la révélation et utiles dans la vie civile, qui méritent encore présentement d’être lus. Après lui, Pierre de La Ramée se mit sur les rangs : sa philosophie fut fort en vogue, la secte des ramistes fut puissante en Allemagne et fort suivie parmi les protestants, et employée même en théologie jusqu’à ce que la philosophie corpusculaire fût ressuscitée, qui fit oublier celle de Ramus et affaiblit le crédit des péripatéticiens.

  1. Bérigardvs (Claude) ou Claude Guillermot DE Bal’recakd, philosophe, né à Moulins en 1578, mort professeur de philosophie '̃• Padoue en 1663, auteur du Circulas Pisanus, seu opus de velcri et pevipiitèticû, philosojihiâ (Padoue, 1661, in-8o), c’est un commentaire sur la physique d’Aristote. il publia en outre DuUitationos in dialotjos Galilœi. pno lorrx immobililate, 1632, in-4o. P. J.