Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/40

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13. Cependant plusieurs théologiens protestants, s’éloignant le plus qu’ils pouvaient de la philosophie de l’école, qui régnait dans le parti opposé, allaient jusqu’au mépris de la philosophie même, qui leur était suspecte ; et la contestation éclata enfin à Helmstedt par l’animosité de Daniel Hofman, théologien habile d’ailleurs, et qui avait acquis autrefois de la réputation à la conférence de Quedlinbourg, où Tileman Heshusius[1] et lui avaient été de la part du duc Jules de Brunswick, lorsqu’il refusa de recevoir la Formule de concorde. Je ne sais comment le docteur Hofman s’emporta contre la philosophie, au lieu de se contenter de blâmer les abus que les philosophes en font ; mais il eut en tête Jean Caselius[2], homme célèbre, estimé des princes et des savants de son temps ; et le duc de Brunswick Henri-Jules (fils de Jules, fondateur de l’université), ayant pris la peine luimême d’examiner la matière, condamna le théologien. Il y a eu quelques petites disputes semblables depuis, mais on a toujours trouvé que c’étaient des malentendus. Paul Slevogt[3], professeur célèbre à Iéna en Thuringe, et dont les dissertations qui nous restent marquent encore combien il était versé dans la philosophie scolastique et dans la littérature hébraïque, avait publié dans sa jeunesse, sous le titre de Pervigilium, un petit livre De dissidio theologi et philosophi in utriusque principiis fundato, au sujet de la question si Dieu est cause par accident du péché. Mais on voyait bien que son but était de montrer que les théologiens abusent quelquefois des termes philosophiques.

14. Pour venir à ce qui est arrivé de mon temps, je me souviens qu’en 1666, lorsque Louis Meyer[4], médecin d’Amsterdam, publia sans se nommer le livre intitulé l’hilosophia Scripturce interpres (que plusieurs ont donné mal à propos à Spinoza, son ami), les théologiens de Hollande se remuèrent, et leurs écrits contre ce livre tirent naître de grandes contestations entre eux ; plusieurs jugeant

  1. Heshusius (Tilemann), théologien luthérien, né à Wesel en 1527, mort à Helmstadt en 15SS, auteur de nombreux ouvrages de théologie. P. J.
  2. Caselius ou Chesselius (Jean), célèbre liumaniste, né à Gœtlingue en 1533, mort à Hemlstadt en 1631, auteur de nombreux ouvrages de littérature critique et d’érudition. P. J.
  3. Slevogt (Paul), né à Passendorf eu 1596, ' mort en 1655, philosophe, qu’il faut distinguer de Jean-Philippe Slevogt (1649-1727), jurisconsulte, et de Jean-Adrien Slevoght (1653-1726), médecin. Le nôtre a écrit Pervir/ilium de dissidio theologi et philosophi Je remarqué aussi parmi ses écrits un De principio syllogicamli in diuinis, et un De Metempsychosi Judœorum. P. J.
  4. Meyer (Louis), ami et disciple de Spinosa, fut l’éditeur de ses Œuvres posthumes. P. J.