Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

touchant par sa superficie et en le poussant par son mouvement, et il reconnaît que Dieu peut mettre telles propriétés dans la matière qui la fassent opérer dans l’éloignement. C’est ainsi que les théologiens de la confession d’Augsbourg soutiennent qu’il dépend de Dieu, non seulement qu’un corps opère immédiatement sur plusieurs autres éloignés entre eux, mais qu’il existe même auprès d’eux et en soit reçu d’une manière dans laquelle les intervalles des lieux et les dimensions des espaces n’aient point de part. Et quoique cet effet surpasse les forces de la nature, ils ne croient point qu’on puisse faire voir qu’il surpasse la puissance de l’auteur de la nature, à qui il est aisé d’abrogcr les lois qu’il a données ou d’en dispenser comme bon lui semble, de la même manière qu’il a pu faire nager le fer sur l’eau et suspendre l’opération du feu sur le corps humain.

20. J’ai trouvé, en conférant le Rationale theologicum de Nicolaus Vedelius’$ avec la réfutation de Joannes Musœus, que ces deux auteurs, dont l’un est mort profcsseur à Franeker après avoir enseigné à Genève, et l’autre a été fait enfin premier théologien à Iéna, s’accordent assez sur les règles principales de l’usage de la raison ; mais que c’est dans l’application des règles qu’ils ne conviennent pas. Car ils sont d’accord que la révélation ne saurait être contraire aux vérités dont la nécessité est appelée par les philosophes logique ou métaphysique, c’est-à-dire dont l’opposé implique contradiction ; et ils admettent encore tous deux que la révélation pourra combattre des maximes dont la nécessité est appelée physique, qui n’est fondée que sur les lois que la volonté de Dieu a prescrites à la nature. Ainsi, la question, si la présence d’un même corps en plusieurs lieux est possible dans l’ordre surnaturel, ne regarde que l’application de la règle ; et pour décider cette question démonstrativement par la raison, il faudrait expliquer exactement en quoi consiste l’essence du corps. Les réformés mêmes ne conviennent pas entre eux là-dessus ; les cartésiens la réduisent à l’étendue, mais leurs adversaires s’y opposent ; et je crois même avoir remarqué que Gisbertus Voetius, célèbre théologien d’Utrecht, doutait de la prétendue impossibilité de la pluralité des lieux.

21. D’ailleurs, quoique les deux partis protestants conviennent qu’il faut distinguer ces deux nécessités que je viens de marquer, c’est-à-dire la nécessité métaphysique et la nécessité physique ; et que la première est indispensable, même dans les mystères ; ils ne