Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/127

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Ainsi en m’esloignant du beau tour de sa veue,
Dont les chastes appas attisent mes ardeurs,
J’auray pour tesmoigner le regret qui me tue,
Mes amoureux souspirs et vos piteuses pleurs.

Si je devois aimer ceste douce rebelle,
Pourquoy m’en privez-vous destin malicieux,
Ou s’il me falloit nure esloigné de ma belle,
Que ne mourus-je alors que je quittay ses yeux ?

Destins, ha ! vous deviez en l’absance me suivre,
Et me priver de vie ainsi que de clarté,
Mais il ne se pouvoit, car en cessant de vivre,
J’eusse cessé d’aymer ceste chere beauté.

Que tu me plais regret dont mon ame est blessée,
Par le doux souvenir de l’œil qui me surprit :
Car si je n’ay des yeux que ceux de la pensée,
Las ! je vis en Amour comme au ciel un Esprit.

Heureux si les assauts de cent mortelles craintes
N’aigrissoient la douceur de mon contentement,
Mais un jaloux penser me donne mille attaintes,
Qui font que je ne meurs en son esloignement.

Si j’estois moins espris, ou que mon adversaire
Eusse moins de beauté, de charmes et d’appas,
Hé ! j’aurois moins de peur ; mais il ne se peut faire
Estant si plain d’amour que te ne craigne pas.