Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/291

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Cruelle toutefois je le suis, et ne veux
Piteuse, recevoir l’offrande de ses vœux.

Helas ! combien de fois sur ces herbeuses rives
Ay-je ouy tristement ses paroles plaintives
Trouver de la pitié aux ondes qui coulants
Se plaignoient avec luy, et flot sur flot roulants
Sembloient de mes rigueurs trop justement se plaindre ?

Helas ! combien de fois lorsqu’il ne pouvoit feindre
Ceste injuste douleur qui trouble son repos,
L’ay-je veu m’aborder ? puis par mille sanglot
Et deux torrents de pleurs tesmoins de son martire,
Exprimer sa langueur ? et moy las cent fois pire
Qu’un superbe rocher, insensible à son dueil,
J’ay tousjours soubs les pieds d’un homicide orgueil
Injustement foulé sa pudique confiance.

Mais, las ! tributaire à la douce puissance
De cest Amour vainqueur des hommes et des Dieux,
Je n’ay que ce Berger pour obiect de mes yeux,
Si mon ame pour luy ard d’une flame esgale,
Bref si je le cheris ainsi qu’un beau Cephale,
Pourquoy donc impiteuse arme-je de mespris
Mon œil pour un subject qui tient mon vouloir pris ?
Pourquoy lorsqu’alanguy d’une angoiseuse peine,
Il me dit : Belle ingratte et trop chere inhumaine,
Ne veux-tu point trancher le fil de mes douleurs,
Ou changer tes desdains en pudiques douceurs ?