Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/292

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Tu vois que si je vis c’est pour te rendre hommage,
Hé ! despendray-je en vain le plus beau de mon age
Dessoubs l’ingrate loy de tes yeux et d’Amour ?
Toy seule vas filant la trame de mon jour,
Tu fais naistre en un point et mourir l’esperance,
Qui entretient mon ame au joug de ta puissance :
Si la douleur me point c’est pour toy seulement,
Et la vie et la mort me plait esgalement.
Desarme donc tes yeux, belle et fière inhumaine,
Du superbe desdain qui enaigrit ma peine,
Et permets qu’à l’autel de ta chere beauté
Je victime les vœux de ma fidelité.
Pourquoy dis-ie (à set loix ayant l’ame asservie)
Ne luy responds-je alors : Doux object de ma vie,
Silvandre, mon soucy, ferme tes yeux aux pleurs,
Et ta bouche à la plainte, et ton ame aux douleurs,
Le jour n’est une nuit lorsque loin de ta veue
De mille aigres soucis ton souvenir me tue,
Si je vis c’est pour toy, et ton eslongnement
Assubjectit mon ame à l’amoureux tourment.
Ton œil est le Soleil de ma chere pensee,
Et par le traict d’Amour mon ame est offencer
Pour ta seule beauté cher object de mes yeux.

Mais où me va guidant ce penser soucieux ?
Mais où me va trainant le dueil qui me possede ?
Las ! je me plains d’un mal dont il tiens le remede,
Je cherche la clarté où le Soleil reluit,
C’est trop longtemps croupy desssoubs l’ombreuse nuit