Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

taient bien de temps en temps à dîner, mais leur ordinaire chez le Lik Atskou se ressentait de sa parcimonie habituelle. Un jour, mon drogman me conta leurs doléances ; je les conviai chez moi et ne tardai pas à leur fournir régulièrement le vivre et le couvert. Quand la décrue des eaux leur permit de repartir pour leur pays, je leur fis un petit cadeau à chacun, et je leur remis quelques boîtes de capsules pour leur maître, qui en manquait, m’avaient-ils dit.

Environ un mois après, cinq nouveaux envoyés m’arrivèrent avec une belle mule et une esclave de race gouragué, dont Sahala Sillassé me faisait présent. Le plus âgé s’inclina devant moi, la poitrine découverte en signe de respect, puis, se redressant avec assurance, il me dit :

— Mon Seigneur m’a chargé de vous faire entendre ces paroles :

« Je te salue, quoique étrangers l’un à l’autre et je te salue encore. Tu dois être fils de bonne mère ; je ne te louerai donc pas de ta libéralité envers mes hommes délaissés par ces Gondariens que j’ai si souvent gratifiés ; mais je désire que tu me mettes à même de reconnaître tes bons procédés. On me dit que tu projettes d’aller en Innarya ; je suis assez puissant pour t’y faire conduire en sûreté. En tout cas, puisque tu as quitté ton pays pour visiter les peuples de la terre, tu ne saurais traverser l’Éthiopie sans voir la cour d’un prince comme moi, de même qu’il convient que j’y attire un chrétien venu de si loin. J’ai fait prévenir de ton passage le Ras Ali et les chefs du Wallo ; tous te protégeront en mon nom. Reçois cette esclave : elle te servira fidèlement ; quant à la mule, qu’elle te fasse voyager sans fatigue. Ces présents n’ont de va-