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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

diales dites de bouclier, de javeline ou de cheval, étant encore en assez grand nombre, les tenanciers de ces modestes investitures entretiennent encore le sentiment de dignité martiale, qu’engendre l’habitude de se garder soi-même, tant la liberté et la responsabilité donnent de la valeur à l’homme et développent les ressources d’un ordre social même bien imparfait. De plus, la configuration accidentée de leur pays, dont les deugas, woïna-deugas et kouallas offrent tant de ressources comme positions de défense, accoutume les populations à en tirer un certain parti élémentaire et entretient cet esprit militaire, qui enseigne jusqu’au dernier paysan à se suffire, à compter sur lui-même, et le rend apte à passer sans effort de la vie agricole à celle des camps. Cet état de choses permet de réunir promptement des armées et de leur faire tenir la campagne pendant plusieurs mois. C’est ainsi que ces populations ont pu arrêter jusqu’à présent l’invasion des Gallas, qui, par suite de leur organisation politique et de leurs mœurs plus républicaines et patriarcales que féodales, ne peuvent que difficilement opérer une concentration de forces de quelque durée.

Quoiqu’ayant conduit des armées de plus de 200,000 hommes, les Atsés et leurs Polémarques semblent n’avoir jamais eu une science militaire plus avancée qu’aujourd’hui. La stratégie, la fortification, la castramétation sont, comme la tactique, à l’état d’enfance. Les armées, dont la marche est ralentie par les femmes et les gens de service qu’elles traînent à leur suite, ne peuvent guère espérer surprendre par des mouvements imprévus, à cause de la connaissance que tous ont du pays, et de la diffusion rapide des nouvelles. Les travaux de for-