Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

nuit où nous étions. On chercha à débaucher nos porteurs ; le lendemain, quatre ou cinq d’entre eux nous quittèrent ; nous perdîmes une journée à les remplacer, et notre provision de farine tirant à sa fin, il fallut encore une demi-journée pour s’en procurer ; enfin, j’ordonnai à nos gens de se mettre en route ; mais un étranger que j’avais remarqué parmi les paysans qui badaudaient autour de notre campement, donna un contre-ordre. Cet étranger, de haute taille et aux larges épaules, balançait d’un air important son javelot et son long sabre passé dans une ceinture d’un volume démesuré.

Je demandai à mon drogman ce qu’était cet homme.

— C’est, me répondit-il d’un air contrit, le principal huissier du seigneur Blata-Gabraïe ; il est envoyé pour nous empêcher d’aller plus loin.

J’ordonnai de nouveau de brider les mules, et à cet effet, je fis passer un muletier devant moi. L’huissier s’avança sur nous, la main levée : je le mis bientôt hors d’état de nous nuire. Aussitôt apparurent une quarantaine de soldats qu’il avait postés aux alentours de notre bivouac. Soldats et paysans s’empressèrent auprès de l’huissier qui, malgré mon peu de ménagement pour sa personne, montra, quoiqu’en force désormais, la plus grande modération. Il chargea les plus âgés d’entre les paysans de nous garder jusqu’à l’arrivée de Gabraïe ; puis quelques soldats l’emmenèrent, et il ne reparut plus. Nous apprîmes dans la suite qu’il ne passait pas pour méchant homme et qu’il était renommé pour sa voracité : il pouvait consommer en un seul repas un quartier de bœuf cru, une vingtaine de pains et une cruche d’hydromel d’environ dix litres.

Paysans et soldats nous supplièrent d’attendre leur